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souffert est un vin plus fort pour nous. Son arabesque est souvent hors
de lui-même, et, malgré la plénitude de la forme, sa direction n'est
pas toujours déterminée par le sentiment qui l'anime, et le masque
décoratif couvre le visage humain. Il est juste de dire qu'il est mort à
l'âge où la plupart des hommes supérieurs commencent à pressentir
que la beauté du geste répond toujours à la nécessité du mouvement
intime qu'il traduit. Il y a, dans quelques-unes des peintures de la
fin, la Madone de Saint-Sixte, Héliodore, surtout, des enveloppements
profonds de bras et de poitrines, un drame de vies enlacées qui
montrent un élargissement immense et continu de son cœur. Dans
la Pêche miraculeuse, dans l'Incendie du Borgo, la force et la splendeur
des gestes, qui font des êtres humains comme des statues qui s'animent,
témoignent qu'il découvre la noblesse de son esprit, — noblesse que
la Farnésine atteste, grâce à la fidélité de ses élèves, avec une auguste,
virile et majestueuse splendeur. Pour sa réalisation décisive, il eût fallu
dix ou quinze ans et la volonté grandissante de ne pas prodiguer sa
puissance d'amour. Michel-Ange, sans doute, n'eût pas cessé de le
haïr, puisqu'il trouvait même dans les dernières œuvres, où Raphaël
rendait à sa puissance l'hommage de la subir, un prétexte à le mépriser.
Mais l'estime irrésistible que l'ascension morale d'un homme impose
à ceux qui sont forts eût probablement fourni à sa jalousie l'occasion
d'arracher de lui, pour le soumettre, encore plus d'orgueil et d'unité.
A mesure que la statique de Raphaël empruntait à l'univers des élé-
ments toujours plus nombreux et les organisait en compositions tou-
jours plus complexes, Michel-Ange introduisait plus avant son dyna-
misme dans les formes en mouvement que le poids formidable de la
pensée italienne précipitait du fond de quatre siècles en son esprit.

III
Si sa vie ne fut qu'un long drame, c'est qu'il se séparait trop des
hommes pour communier avec eux et qu'il eut une trop haute opinion
de sa qualité d'homme pour accepter leur infériorité et consentir à
leur bassesse. Mais on fait oublier leur mal aux autres quand on force
le sien au silence pour ouvrir les portes du monde aux seules harmonies
intellectuelles qui dépassent la douleur. « La peinture d'Italie, disait-il,
ne fera jamais verser une larme. » Il conduisit au seuil du bonheur
héroïque ceux qui savent souffrir.
Il venait de Florence. Né au milieu de ses derniers orages, il avait

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