Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
II
Il résuma, comme Giotto, un instant impérissable. C'est lui qui
fut cet équilibre que l'Italie cherchait avec tant d'angoisse et que le
heurt passionné des sensibilités et des intelligences ne pouvait per-
mettre à la foule elle-même de réaliser. On ne peut s'empêcher de
rapprocher ces deux esprits. Raphaël est sans doute avec Giotto,
dans l'histoire de la peinture, le seul qui nous envahisse avec cette
douceur profonde par toutes nos facultés de raisonner et de sentir.
A dire vrai, sa science domine, il n'a pas la force directe qui donne
au décorateur de Padoue et d'Assise un ton plus viril, une candeur
plus joyeuse, une foi plus paisible dans ce qu'il conte sur les murs.
Mais on ne sait pas, quand on regarde les sibylles ou les fresques du
Vatican, si l'on a sous les yeux des héros ou des saints, des martyrs
ou des philosophes, des vierges ou des Vénus, des dieux juifs ou des
dieux païens, on sent que ce sont là des formes qui s'accordent et se
pénètrent, des couleurs qui s'appellent, se répondent, une ondulation
d'harmonies qui paraît n'avoir pas commencé et ne devoir pas finir,
vous traverse sans rencontrer de résistance et ne vous laisse que la
force d'écouter se prolonger en vous l'écho de leur souvenir.
Que veut-il dire, et où a-t-il vu se réunir ainsi tout ce qui est
matière et tout ce qui est pensée, tout ce qui est tendresse féminine
et tout ce qui est force mâle, tout ce qui est certitude des races qui ont
beaucoup senti et hésitante foi des siècles qui veulent savoir? Il a
étudié, distraitement peut-être, ce qu'on avait fait avant lui, ce qu'on
faisait autour de lui, il a paru ne regarder qu'à peine le monde infi-
niment profond et multiple des mouvements, des couleurs et des formes,
il n'a prêté l'oreille aux bruits environnants et respiré les fleurs et
les femmes qu'avec la ferveur nonchalante d'un être qui fait lever
l'harmonie sous ses pas et vers qui vient l'amour sans qu'il l'appelle,
il a rassemblé tout cela en lui comme en un centre sonore, sans trop
se demander d'où tout cela venait, et tout cela, après s'être fondu
sans résistance à son foyer sentimental, tout cela est sorti de lui en
flots amples, calmes, aussi difficiles à briser que le rythme mystérieux
qui règle les battements des cœurs, fait naître, mourir et renaître les
saisons, surgir et sombrer le soleil chaque matin et chaque soir.
Raphaël était mort depuis longtemps, mais peut-être Michel-Ange,
qui ne l'avait pourtant pas aimé, songeait-il à Raphaël plus qu'à

T. IIT.

— 61 —

6*
 
Annotationen