LE CYCLE
FRANCO-FLAMAND
LE véritable esprit de la Renaissance ne s'introduisit dans l'ouest
et le nord de l'Europe que grâce aux guerres d'Italie. En
France, en Flandre, le xve siècle est gothique, l'individuali-
sation des formes de la pensée s'y produit à l'insu des artistes. Archi-
tectes, peintres, sculpteurs, verriers, tous gardent l'âme médiévale, dis-
sociée, fragmentée, mais peut-être exaspérée aussi. Il semble, même que
pris en bloc, envisagé dans son ensemble, le xve siècle réponde davan-
tage à l'idée globale et superficielle que nous nous faisons du gothique
que les siècles précédents. L'esprit communal est vaincu. Le règne
du théologien recommence, mais du théologien prisonnier de la lettre,
en qui la flamme s'éteint. Le peuple, écrasé de nouveau sous la puis-
sance féodale, le peuple qui n'a plus d'espoir se tourne du côté des
paradis artificiels. Alors, le magnifique équilibre des grandes cathé-
drales est tout à fait rompu. La flamme monte en crépitant, se tord,
lèche les voûtes, recouvre le squelette nu qui définissait à l'esprit le
sens réel de l'édifice. Il s'ajoure et s'amincit, s'épuise en vains élans,
s'essouffle et se complique en minuties et en tours de métiers. Le mys-
ticisme maladif des hommes malheureux, fatigués de vouloir, déses-
pérés de sentir que la vie leur échappe, envahit toutes les formes de
la pensée et de l'action. L'homme ne croit plus à sa force, le miracle
est partout, il explique tout, il répond à tout, on n'attend plus rien
que de lui. Le seul miracle de ce siècle, Jeanne d'Arc, qui est le bon
— 105 —
FRANCO-FLAMAND
LE véritable esprit de la Renaissance ne s'introduisit dans l'ouest
et le nord de l'Europe que grâce aux guerres d'Italie. En
France, en Flandre, le xve siècle est gothique, l'individuali-
sation des formes de la pensée s'y produit à l'insu des artistes. Archi-
tectes, peintres, sculpteurs, verriers, tous gardent l'âme médiévale, dis-
sociée, fragmentée, mais peut-être exaspérée aussi. Il semble, même que
pris en bloc, envisagé dans son ensemble, le xve siècle réponde davan-
tage à l'idée globale et superficielle que nous nous faisons du gothique
que les siècles précédents. L'esprit communal est vaincu. Le règne
du théologien recommence, mais du théologien prisonnier de la lettre,
en qui la flamme s'éteint. Le peuple, écrasé de nouveau sous la puis-
sance féodale, le peuple qui n'a plus d'espoir se tourne du côté des
paradis artificiels. Alors, le magnifique équilibre des grandes cathé-
drales est tout à fait rompu. La flamme monte en crépitant, se tord,
lèche les voûtes, recouvre le squelette nu qui définissait à l'esprit le
sens réel de l'édifice. Il s'ajoure et s'amincit, s'épuise en vains élans,
s'essouffle et se complique en minuties et en tours de métiers. Le mys-
ticisme maladif des hommes malheureux, fatigués de vouloir, déses-
pérés de sentir que la vie leur échappe, envahit toutes les formes de
la pensée et de l'action. L'homme ne croit plus à sa force, le miracle
est partout, il explique tout, il répond à tout, on n'attend plus rien
que de lui. Le seul miracle de ce siècle, Jeanne d'Arc, qui est le bon
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