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Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 3]): L'art renaissant — Paris: Librarie Plon, 1948

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https://doi.org/10.11588/diglit.71102#0234
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là, curieux de toutes choses, abordant l'étude de toutes choses à la fois,
et accumulant dans le même espace avec une ardeur désordonnée les
résultats de ses recherches. Il est le confluent et le remous de deux
moments d'action puissamment caractérisés. Il a du moyen âge la foi,
la force confuse, le symbolisme obscur et riche, de la Renaissance
l'inquiétude, le sens des perspectives infinies qui s'ouvrent devant les
esprits supérieurs, la volonté infatigable de savoir. Une curiosité
ardente fait de lui, comme de Vinci qu'il rappelle par tant de côtés,
mais qui tenta plus lucidement d'échafauder une méthode, un de ces
génies labyrinthiques, universels, presque bizarres, devant qui tous
les chemins de la pensée se présentent en même temps. C'est une
sorte de Christ savant qui cherche le salut du monde dans l'étude
acharnée de ses aspects.
Jamais, surtout dans les gravures qu'il creusait dans le cuivre avec
une main d'ouvrier, un cœur de poète, un cerveau de philosophe,
jamais il n'arrangea la nature. Il la tenait « pour le seul maître », et
tout d'elle l'intéressait au même degré. Il vit, avec une extrême confu-
sion, se dérouler le mythe chrétien sous des costumes allemands, dans
des maisons et des rues allemandes, au milieu des campagnes qui envi-
ronnent Nuremberg, près des eaux qui vont au Danube et sous les
rochers de forme étrange, au seuil des maisons de bois à toitures
inclinées. Les rêveries compliquées et profondes qui erraient dans sa
méditation, il ne les situait jamais hors des robustes plaines de l'Alle-
magne du Sud, des coteaux couverts de mélèzes, de pâturages, des
ruisseaux, des mares, des ponts branlants, jamais hors des sites qu'ils
avaient traversés pour se rendre en Italie et dans les Flandres, les bords
du Rhin striés de rangs de vignes, les forêts, les ravins, les torrents de
la Forêt-Noire et du Tyrol. La légende qu'il ramassait partout, l'Orient
rencontré à Venise s'y mêlaient, dragons, chimères, lions et chameaux,
figures de Turcs dans les logis nurembergeois, chevaliers passant au
pied des donjons tout hérissés de poivrières et de tours, le diable et
la mort à leurs trousses. Avec la patience inlassable, sinon la rapidité
et la décision schématique des Japonais dont il se rapproche si souvent
quand il suit, de sa pointe d'acier, la ligne capricieuse, mais nette de
ses paysages scrupuleux, il poursuivit jusqu'à la fin une lente et large
enquête dont il confia impartialement à l'éclat sourd du cuivre, au
grain savoureux du bois, au sec miroitement des toiles peintes, les
résultats accumulés. Les chevaux massifs de l'Allemagne, ses chiens
de chasse musculeux, ses cerfs, ses lièvres, ses vaches, ses porcs grouil-
lant dans la fange des villages, tous ses insectes, tous ses oiseaux parti-
cipaient presque toujours aux aventures amoureuses, familiales, bour-
geoises, guerrières que le dur burin arrêtait avec la force et la douceur

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