paru. L'esprit qui, disloquant le plan, puis jouant avec le
passage, avait quitté depuis un siècle les régions intérieures
de la statue, se disperse aujourd'hui dans les mains qui se
tordent, les jambes qui se tendent, les muscles qui se téta-
nisent, les visages qui se convulsent, les attributs envahis-
sants et les cheveux éparpillés (i). Le centre d'attraction des
masses n'est pas seulement perdu. Le sculpteur ne sait plus
que ce centre existait jadis et qu'il déterminait la forme
entière dont les mouvements et les surfaces gravitaient autour
de lui. Dispersées à tous les incidents, à toutes les saillies de
la statue, la petite sensibilité et la sensation médiocre tentent
de substituer leurs cris et leur emphase au puissant senti-
ment global qui unissait, dans la forme monumentale, la
connaissance et l'amour de l'objet à la croyance que l'objet’
fait partie d'un ensemble saint dont la religion, la cité, la
famille, la guerre, la paix, l'aliment, la naissance et la
mort sont des manifestations solidaires. On dirait que les
gesticulations et les grimaces de l'idole clament son unité
perdue. Ce n'est d'ailleurs plus une idole. C'est un article
de bazar.
III
Si, maintenant, on suit de près l'évolution de la sculpture
en France, où l'art chrétien atteint son développement le
plus complet et aussi le plus émouvant, on constate qu'elle
est identique, ses motifs étant mis à part, à celle de la sculp-
ture grecque (2). Et cela au cours d'une période à peu près
(1) Fig. 17, 19 et 21.
(2) Le choix des illustrations de ce texte a été très difficile. Pour que la
preuve découle clairement de la démonstration, il faut, autant que possible,
que les exemples soient choisis de part et d'autre dans la même école. Or,
si la chose est relativement facile pour la Grèce jusqu'au ive siècle, et si
les écoles doriennes et ioniennes et l'école attique qui en est sortie peuvent
être invoquées seules, ou à peu près seules, il en est autrement pour la
France. La sculpture de Chartres, par exemple, où j'ai choisi mes meilleurs
exemples, s'est développée exclusivement du milieu du xiie siècle à la fin
œ 27 —
passage, avait quitté depuis un siècle les régions intérieures
de la statue, se disperse aujourd'hui dans les mains qui se
tordent, les jambes qui se tendent, les muscles qui se téta-
nisent, les visages qui se convulsent, les attributs envahis-
sants et les cheveux éparpillés (i). Le centre d'attraction des
masses n'est pas seulement perdu. Le sculpteur ne sait plus
que ce centre existait jadis et qu'il déterminait la forme
entière dont les mouvements et les surfaces gravitaient autour
de lui. Dispersées à tous les incidents, à toutes les saillies de
la statue, la petite sensibilité et la sensation médiocre tentent
de substituer leurs cris et leur emphase au puissant senti-
ment global qui unissait, dans la forme monumentale, la
connaissance et l'amour de l'objet à la croyance que l'objet’
fait partie d'un ensemble saint dont la religion, la cité, la
famille, la guerre, la paix, l'aliment, la naissance et la
mort sont des manifestations solidaires. On dirait que les
gesticulations et les grimaces de l'idole clament son unité
perdue. Ce n'est d'ailleurs plus une idole. C'est un article
de bazar.
III
Si, maintenant, on suit de près l'évolution de la sculpture
en France, où l'art chrétien atteint son développement le
plus complet et aussi le plus émouvant, on constate qu'elle
est identique, ses motifs étant mis à part, à celle de la sculp-
ture grecque (2). Et cela au cours d'une période à peu près
(1) Fig. 17, 19 et 21.
(2) Le choix des illustrations de ce texte a été très difficile. Pour que la
preuve découle clairement de la démonstration, il faut, autant que possible,
que les exemples soient choisis de part et d'autre dans la même école. Or,
si la chose est relativement facile pour la Grèce jusqu'au ive siècle, et si
les écoles doriennes et ioniennes et l'école attique qui en est sortie peuvent
être invoquées seules, ou à peu près seules, il en est autrement pour la
France. La sculpture de Chartres, par exemple, où j'ai choisi mes meilleurs
exemples, s'est développée exclusivement du milieu du xiie siècle à la fin
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