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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0080
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il n'y a pas de primitifs, ou alors c'est un être venu d'une
race ou d'une religion lointaines qui tente de bégayer une
langue qu'il n'entend pas. L'archaïsme est au seuil des orga-
nismes qui croissent : il est la nubilité de l'espèce. Le primi-
tivisme est au seuil des analyses qui s'ouvrent : il est la
nubilité de l'homme. Et bien qu'il puisse exister des pein-
tures archaïques contemporaines des organismes encore
complets — c'est le miracle de l'individualisme italien expri-
mant à lui seul, par Giotto, l'immense complexité sociale —,
bien qu'il puisse exister des sculptures primitives contem-
poraines des analyses commençantes, il faut, dans les deux
cas y découvrir une exception. A l'idée d'archaïsme s'attache
la forme sculptée, à l'idée de primitivisme la forme peinte.
Le sculpteur, à peine sorti de la gangue archaïque, atteint
déjà au grand équilibre harmonique quand le peintre marche
à tâtons parmi des matériaux inconnus. Della Quercia,
Ghiberti, Donatello, statuaires épanouis, complets, possé-
dant toutes les ressources de la forme en mouvement sont,
les deux premiers plus âgés, le troisième du même âge
qu'Angelico (i) qui suffirait à définir l'art primitif dans ce
qu'il a de plus touchant, mais aussi de plus humblement
appliqué à rechercher les privilèges et les moyens de la pein-
ture. Giovanni Pisano lui-même, né plus d'un siècle avant
Angelico, semble plus jeune que lui. En France, Jean
Goujon, dans l'élégance ondoyante duquel perce déjà l'in-
quiétante mondanité qui fera de la sculpture du xviiie siècle
une des choses les plus délicieuses, mais les plus fragiles
parce que les plus éloignées qui soient des conditions de cet
art, est le contemporain de François Glouet qui ne soupçonne
pas encore les entrecroisements harmoniques par lesquels la
grande peinture va décider les musiciens à demander à l'or-
chestre des ressources qu'elle ne possède pas. Il y a quelque
chose de profondément dramatique dans ces voix contem-
poraines, jaillies des mêmes désirs, en proie aux mêmes
déceptions, allant aux mêmes espérances et qui se cherchent
et se dérobent parce qu'elles n'usent pas de la même langue,
(i) Art Renaissant, pp. 32 et 33.

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