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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0216
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en matières nourricières qu'il ajoute, à chaque cycle, des feux
nouveaux à la flamme de ce diamant. L'analyse grecque,
ainsi, en ruinant les mythes anciens, a précipité dans le foyer
juif des faits, des sentiments, des formes innombrables qui
ont permis au mythe chrétien de fleurir. L'analyse occiden-
tale, en ruinant le mythe chrétien, a accumulé en nous de
telles forces sans emploi que nous pouvons prévoir leur
organisation prochaine sur un plan mystique quelconque,
sous peine d'être broyés par elles si nous nous refusons à les
utiliser.
La croyance, en effet, que la science moderne apportait
le progrès moral ou même se confondait avec lui, a failli
ruiner la confiance de l'homme en elle et conduire l'homme
à briser l'idole nouvelle qui ne comblait pas son espoir. L'op-
timisme qui prend naissance dans la réaction sentimentale
des faibles contre la cruauté des réalités sociales, représente
toujours un danger redoutable pour l'effort civilisateur —
j'entends l'effort d'organiser des illusions, des symboles et
des images et non celui qui voudrait moraliser à toute force
l'homme au risque de le neutraliser. D'autre part, il est
curieux de constater que l'esprit critique était parvenu, de
nos jours, à confondre le fait de sa croissance avec ce qu'on
appelle « la civilisation », — - c'est-à-dire, pour presque tous,
l'essor des applications de la science — alors que de tous
temps, bien au contraire, il est apparu au déclin des civili-
sations successives qu'il a contribué plus qu'aucune autre
force au monde à renverser. La notion de progrès, vulgarisée
par la science, et confondue avec le développement évident
du bien-être général, a répandu l'idée qu'elle allait enfin
apporter la réalité du bonheur, comme si le bonheur pouvait
être autre chose qu'un état d'équilibre instable, comme si la
science n'avait pas eu pour premier effet de rompre cet équi-
libre et d'éclairer cruellement les recoins de nos illusions.
Comme si elle avait supprimé d'un coup de baguette l'ana-
lyse intérieure, le drame de l'amour et la conscience de la
mort, qu'elle a creusés, au contraire, en multipliant les
moyens d'échange et les termes de comparaison. Il est remar-
quable de constater que les mythes cruels de l'Inde, de la

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