Syrie, de la Judée ou de la Grèce n'ont pas semé plus de
désespoir dans le monde que les mythes consolants du
Bouddhisme, du Christianisme, de l'Islamisme ou de la
religion humanitaire d'aujourd'hui, dont la science constitue
le mythe central. Le développement impitoyable de la
science (i), cette mécanisation universelle, fatale comme la
course d'un astre et que l'homme, le voudrait-il, ne peut
plus arrêter, dépasse peut-être en férocité, non seulement à
cause des êtres qu'il broie dans l'industrie ou la guerre,
mais surtout à cause de sa progression géométrique entraî-
nant les intelligences dans un tourbillon dont la vitesse
s'accroît, les symboles mystiques les plus sanglants de la
Phénicie ou du Mexique. Tout changement d'idole se traduit,
aussi bien dans les consciences individuelles que dans les
réalités sociales, par le meurtre et la douleur.
La notion de progrès, toujours mortelle pour l'art, et à
qui l'art hellénique notamment, et l'art renaissant ont dû
leur décadence rapide pour avoir confondu l'idée d'expres-
sion avec l'idée de perfection, ne peut se maintenir sur le
terrain scientifique qu'à condition de s'appliquer au déve-
loppement du machinisme et à la volonté d'établir sur ce
machinisme la domination de l'homme, qui en reste la vic-
time jusqu'ici. Le jour où il tiendra solidement en main cette
arme nouvelle, s'il peut d'abord rétablir, du plus terrible
effort que Dieu lui ait demandé, son équilibre rompu par la
trop brusque invasion des applications de la science, ce
jour-là il pourra prétendre, non pas à reprendre sa route vers
un progrès indéfini, mais à réaliser de son intelligence une
nouvelle forme où l'art retrouvera ses droits. Il apparaît de
plus en plus que la science, sans modifier les profondeurs
de l'homme, est en train de renouveler de fond en comble
les prétextes de son illusion. Les Italiens, certes, l'avaient
senti. Leur art n'eût rien été si leur science de géomètres,
d'anatomistes, de techniciens, ne leur avait offert l'occasion
d'un enthousiasme nouveau, beaucoup plutôt qu'une fin
rigoureuse et froidement contemplée à atteindre. Piero della
(i) Fig. 66.
— 169 —
désespoir dans le monde que les mythes consolants du
Bouddhisme, du Christianisme, de l'Islamisme ou de la
religion humanitaire d'aujourd'hui, dont la science constitue
le mythe central. Le développement impitoyable de la
science (i), cette mécanisation universelle, fatale comme la
course d'un astre et que l'homme, le voudrait-il, ne peut
plus arrêter, dépasse peut-être en férocité, non seulement à
cause des êtres qu'il broie dans l'industrie ou la guerre,
mais surtout à cause de sa progression géométrique entraî-
nant les intelligences dans un tourbillon dont la vitesse
s'accroît, les symboles mystiques les plus sanglants de la
Phénicie ou du Mexique. Tout changement d'idole se traduit,
aussi bien dans les consciences individuelles que dans les
réalités sociales, par le meurtre et la douleur.
La notion de progrès, toujours mortelle pour l'art, et à
qui l'art hellénique notamment, et l'art renaissant ont dû
leur décadence rapide pour avoir confondu l'idée d'expres-
sion avec l'idée de perfection, ne peut se maintenir sur le
terrain scientifique qu'à condition de s'appliquer au déve-
loppement du machinisme et à la volonté d'établir sur ce
machinisme la domination de l'homme, qui en reste la vic-
time jusqu'ici. Le jour où il tiendra solidement en main cette
arme nouvelle, s'il peut d'abord rétablir, du plus terrible
effort que Dieu lui ait demandé, son équilibre rompu par la
trop brusque invasion des applications de la science, ce
jour-là il pourra prétendre, non pas à reprendre sa route vers
un progrès indéfini, mais à réaliser de son intelligence une
nouvelle forme où l'art retrouvera ses droits. Il apparaît de
plus en plus que la science, sans modifier les profondeurs
de l'homme, est en train de renouveler de fond en comble
les prétextes de son illusion. Les Italiens, certes, l'avaient
senti. Leur art n'eût rien été si leur science de géomètres,
d'anatomistes, de techniciens, ne leur avait offert l'occasion
d'un enthousiasme nouveau, beaucoup plutôt qu'une fin
rigoureuse et froidement contemplée à atteindre. Piero della
(i) Fig. 66.
— 169 —