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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0315
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près de l'œuvre de Dieu. Ce n'est la faute ni de saint Paul,
ni de saint Augustin, ni de saint Bernard, mais peut-être
un peu celle du poète Jésus, si l'homme, grâce à cette orgie
sensuelle même, allait, en étudiant son œuvre, oublier Dieu.
Car la cathédrale, mourant de l'excès qui l'avait fait naître
mais éveillant du même coup la curiosité de quelques esprits
dans la multitude, écrasa dans sa chute le christianisme
épanoui.
Du moins, ici, un miraculeux équilibre avait pu maintenir
un siècle, entre la religion abstraite venue du cerveau des
prophètes modelé par le désert et l'amour des formes char-
mantes qui caractérisent le sol dans l'Europe occidentale,
l'idée puissante d'un symbolisme universel exprimant
l'unité de l'âme par la multiplicité des aspects de ce sol. Il
se maintenait dans le cœur d'un peuple, comme est aussi la
terre qu'il habite, à une distance égale du paganisme catho-
lique oubliant la loi chrétienne pour imaginer le poème des
formes comme une expression indépendante des prétextes
qui l'inspirent, et du puritanisme protestant oubliant, pour
revenir à cette loi, l'immense variété et le charme immense
des formes où le théâtre anglais et la peinture et la gravure
germaniques et les Niebelungenlied s'étaient pourtant ali-
mentés. Ici, par conséquent, se produisait un phénomène
inverse de celui qui arrachait en Italie la forme à la religion.
Le puritanisme arrachait la religion à la forme. On a dit
que Rembrandt et la musique allemande exprimaient le
protestantisme du Nord. Mais toute la peinture hollandaise,
et avant tout et par-dessus out la peinture de Rembrandt
sont une protestation instinctive, et probablement incons-
ciente contre l'iconoclastie des gueux : c'est le pieux transport
de l'image de l'église dans la maison. La musique allemande
entière, celle de Beethoven au premier rang, apparaît, après
deux siècles de carnages, comme une vengeance secrète de
l'esprit protégé par l'hermétisme du langage musical contre
la fureur puritaine et le retour aux abstractions et aux prohi-
bitions primitives condamnées d'avance dans le Nord par
Shakespeare, par Dürer, par le choral de Luther lui même,
nourri de viande et de bière, et qui conduisait en chantant

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