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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0314
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Il semble donc que l'apogée esthétique du christianisme
occidental, entre la fin du xie et la fin du xiiie siècle, ait
constitué dans son ensemble, malgré la signification symbo-
lique des dispositions rituelles de l'architecture et des images,
une protestation confuse des instincts d'un peuple croyant
contre les commandements primitifs d'une mystique que les
conciles et les évêques maintenaient tant bien que mal. L'in-
cessant appel du christianisme à l'amour avait amassé tant
de sève dans les imaginations comprimées en même temps
par ses interdictions multiples, que le désir unanime de
répandre cette sève sous la forme immensément variée des
cent mille objets vivants ou inertes qui constituent notre
univers, devait jaillir avec la force d'une lave contenue jus-
qu'alors par la croûte du volcan. Il ne faut pas oublier que
les fondateurs de l'Église, le juif saint Paul, saint Augustin (i)
étaient explicitement et farouchement iconophobes, et que
le juif Jésus lui-même n'avait jamais fait appel à l'image pour
émouvoir les cœurs. L'immense concentration en soi qui
avait marqué, dans les consciences primitives, la naissance
de la religion nouvelle, impliquait nécessairement la mécon-
naissance ou même le dégoût des formes vis bles du monde.
Elles ne pouvaient reparaître à Byzance d'abord, en Italie
ensuite, en France enfin, que comme un symbole concret
de la vie sentimentale et de l'imagination expansive cher-
chant, par leur contact avec l'univers oublié, à exprimer dans
la fièvre de l'enthousiasme les plus sains, les plus animaux,
les plus féconds des instincts. Le paradis et le mythe chré-
tiens étaient si réels et si beaux dans la candeur populaire,
qu'elle devait faire appel aux formes, aux mouvements,
aux couleurs pour les glorifier. Les grappes de la vigne et
les salades du marché, l'étincellement des mers, l'or em-
pourpré des cieux dans la forêt d'automne, tous les métiers
qui, dans les champs, font pousser le pain de la terre et
dans les villes fabriquent le bois des huches et le fer des
outils, envahirent le monument pour porter l'homme plus
(i) Peut-être sémite. Il était de l'Afrique du Nord, antérieurement colo-
nisée par les Phéniciens.

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