** 122 ** ANDRÉ GILL X***
moins spéciaux; aussi le crime de Pantin appartient-il aujourd'hui à notre
immortel et gai Courteline.
La salle qu'éclairent encore des lampes au pétrole est maintenant ornée
de pochades, d'esquisses, de charges, de moulages, œuvres et hors-
d'œuvre fournis par les habitués du lieu : c'est une toile de Picasso, des
images de Depaquit, un portrait de Pierre Girieud, le christ de John Wasley,
un plâtre peint de vert et de vermillon.
Le jardin plein de bosquets en contre-bas est comme suspendu sur le
versant de la butte.
Au moment qui nous occupe, le propriétaire, Louis Salze, ancien employé
retraité de la mairie du IXe, avait baptisé sa maison « A ma campagne »,
mais cette nouvelle attribution de qualité soulignée d'une inscription tout
aussi bourgeoise, Commerce de vins, Traiteur, devait être un certain jour
remplacée par un litre du plus pur style parisien, dû cette fois à la fantaisie
d'un artiste connu.
En effet, André Gill, attiré par Salze et mis en humeur par le fumet d'une
bonne gibelotte - Mme Salze était un rare cordon bleu —, avait peint un
lapin joyeusement excentrique sautant de la casserole en faisant un équi-
libre avec une bouteille de vin.
Le panneau « Au lapin » dûment signé A. Gill et placé comme enseigne
fut aussitôt pour le Tout-Montmartre, poil et plume, comme un nouveau cri
de ralliement : Au lapin agile!
En 1883, le père Salze y substitua une copie faite par un nommé Oster-
ling, cependant que l'enseigne originale quittait sa façade lépreuse pour
aller briller à côté de la Femme au bock, à l'exposition des œuvres du cari-
caturiste organisée galerie Vivienne par Emile Cohl son élève.
L'enseigne peinte, qui fut de tout temps une des curiosités de Paris, est
un genre de tableau que ne dédaignèrent point certains de nos grands
artistes. Ainsi, le Cheval blanc de Géricault pour la célèbre auberge de la
rue Mazet, les Deux pierrots de Gavarni et le Bonaparte de Willette qui
paradait encore avant 1914, à l'encoignure d'un café de la rive gauche,
attestent suffisamment le rôle estimé qu'elle joua dans l'art de la décoration.
Le peintre d'enseignes est, le plus souvent, un anonyme habile qui cherche
plutôt à attirer l'attention du passant par une idée curieuse que par le talent
auquel il prétend.
Dans cette catégorie on peut citer : Au bœuf à la mode, taureau paré d'une
écharpe, comme une élégante, pour un restaurant voisin du Palais-Royal;
moins spéciaux; aussi le crime de Pantin appartient-il aujourd'hui à notre
immortel et gai Courteline.
La salle qu'éclairent encore des lampes au pétrole est maintenant ornée
de pochades, d'esquisses, de charges, de moulages, œuvres et hors-
d'œuvre fournis par les habitués du lieu : c'est une toile de Picasso, des
images de Depaquit, un portrait de Pierre Girieud, le christ de John Wasley,
un plâtre peint de vert et de vermillon.
Le jardin plein de bosquets en contre-bas est comme suspendu sur le
versant de la butte.
Au moment qui nous occupe, le propriétaire, Louis Salze, ancien employé
retraité de la mairie du IXe, avait baptisé sa maison « A ma campagne »,
mais cette nouvelle attribution de qualité soulignée d'une inscription tout
aussi bourgeoise, Commerce de vins, Traiteur, devait être un certain jour
remplacée par un litre du plus pur style parisien, dû cette fois à la fantaisie
d'un artiste connu.
En effet, André Gill, attiré par Salze et mis en humeur par le fumet d'une
bonne gibelotte - Mme Salze était un rare cordon bleu —, avait peint un
lapin joyeusement excentrique sautant de la casserole en faisant un équi-
libre avec une bouteille de vin.
Le panneau « Au lapin » dûment signé A. Gill et placé comme enseigne
fut aussitôt pour le Tout-Montmartre, poil et plume, comme un nouveau cri
de ralliement : Au lapin agile!
En 1883, le père Salze y substitua une copie faite par un nommé Oster-
ling, cependant que l'enseigne originale quittait sa façade lépreuse pour
aller briller à côté de la Femme au bock, à l'exposition des œuvres du cari-
caturiste organisée galerie Vivienne par Emile Cohl son élève.
L'enseigne peinte, qui fut de tout temps une des curiosités de Paris, est
un genre de tableau que ne dédaignèrent point certains de nos grands
artistes. Ainsi, le Cheval blanc de Géricault pour la célèbre auberge de la
rue Mazet, les Deux pierrots de Gavarni et le Bonaparte de Willette qui
paradait encore avant 1914, à l'encoignure d'un café de la rive gauche,
attestent suffisamment le rôle estimé qu'elle joua dans l'art de la décoration.
Le peintre d'enseignes est, le plus souvent, un anonyme habile qui cherche
plutôt à attirer l'attention du passant par une idée curieuse que par le talent
auquel il prétend.
Dans cette catégorie on peut citer : Au bœuf à la mode, taureau paré d'une
écharpe, comme une élégante, pour un restaurant voisin du Palais-Royal;