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https://doi.org/10.11588/diglit.6057#0100
PARALLELE DE L'ARCHITECTURE
«ne espece de bâtiment, qui ne disfère des autres que par la (implicite de les
mouleures, & par la solidité deses parties; mais au reste, composé des mêmes
membres , &C de même usage. Ce que j'aurois tort de condamner, puisquc Vi~
truve en Ton 4. livre a fait un chapitre particulier de la manière de bâtir des
temples à la Toscane. Néanmoins de quelque sorte qu'on puisse expliquer ce
qu'il en dit , il est toujours difficile de se former une bonne idée de l'entable-
ment qui doit poser sur les colonnes. C'est pourquoy j'estime que la seule pièce
de cet ordre, qui mérite d'être mise en œuvre , ô£ qui le peut rendre recom-
mandable, c'est la colonne sans aucune architraveure, comme nous voyons que
les antiques l'ont employée: car au lieu que dans l'usagc ordinaire elle ne tient
que le dernier rang, ces grands maîtres luy ont donné une place indépendante
des autres, &C l'ont si avantageusement traitée, qu'elle peut entrer en parangon
de beauté &C de noblelsc avec tous les ordres. Ce qui n'aura point à mon avis de
contestation , lors qu'on aura bien consideré le fameux exemple que j'en rap-
porte de la colonne Trajanc , un des plus superbes restes de la magnisicence
Romaine, qu'on voit encore aujourd'huy en pied , èc qui a plus immortalise
l'Empereur Trajan , que toutes les plumes des historiens. Cemausolée, si nous
le pouvons nommer ainsi, luy fut érigé par le Sénat, & par le peuple Romain,
en reconnoiiTance des grands services qu'il avoit rendus à la patrie; & afin que
la mémoire en fût presente à tous les siecles, & qu'elle durât autant que l'Em-
pire , ils voulurent qu'on les gravât sur le marbre, du plus riche stile qui ait
jamais été employé : l'Architecture fut l'historiographe de ce nouveau genre
d'histoire; &C parce qu'elle devoit preconiser un Romain, elle ne se servitpasdes
ordres Grecs, quoy qu'ils fulsent incomparablement plus parfaits, & plus en
usaçe, dans l'Italie même, que les deux autres originaires du pais ; de peur que
la gloire de ce monument admirable ne se trouvât en quelque façon partagée;
& pour faire voir aussi qu'il n'y a rien de si simple, que l'art ne sçache perfec-
tionner. Elle choisit donc la colonne de l'ordre Toscan, qui jusques alors n'a-
voit eu place que dans les choses grossieres èc rustiques ; &: de cette mastè in-
forme elle en fit naître le plus riche & le plus noble chef-d'œuvre du monde,
que le temps a épargné &c conlervé tout entier jufqu'à cette heure, au milieu
d'une infinité de ruines dont Rome est remplie. Et c'est comme une merveille,
de voir que le Colilée, le Théâtre de Marcellus, ces grands Cirques, les Ther-
mes de Diocletian, deCaracalla, &c d'Antonin, cesuperbe mole de la sepul-
tured'Adrian, le Septizone de Severus , le Mausolée d'Auguste, &: tant d'autres
édifices, qui sembloient être bâtis pour l'éternité, soient maintenant si caducs
& si délabrez, qu'à peine peut-on remarquer leur ancienne forme : quoyque
néanmoins nôtre colonne Trajane, dont la struclurc sembloit beaucoup moins
durable, soit restée en pied, par une secrete providence, qui destinoit ce mi-
raculeux obelisqueau plus grand monarque que Rome ait jamais porté, le chef
de l'Eglise saint Pierre , qui tient maintenant la place de l'Empereur auquel
elle avoit été dressée. Mais pour ne m'écarter point de mon sujet, qui est seule-
ment d'en faire la deseription fuivant le delsein de l'Architecte qui en fut l'au-
teur , je taillerai aux contemplatifs la moralité qu'on peut tirer de cette vicis-
situde si étrange, laquelle seroit icy un diseours hors de propos, S>C tres-inutik
à l'art dont il est question.
«ne espece de bâtiment, qui ne disfère des autres que par la (implicite de les
mouleures, & par la solidité deses parties; mais au reste, composé des mêmes
membres , &C de même usage. Ce que j'aurois tort de condamner, puisquc Vi~
truve en Ton 4. livre a fait un chapitre particulier de la manière de bâtir des
temples à la Toscane. Néanmoins de quelque sorte qu'on puisse expliquer ce
qu'il en dit , il est toujours difficile de se former une bonne idée de l'entable-
ment qui doit poser sur les colonnes. C'est pourquoy j'estime que la seule pièce
de cet ordre, qui mérite d'être mise en œuvre , ô£ qui le peut rendre recom-
mandable, c'est la colonne sans aucune architraveure, comme nous voyons que
les antiques l'ont employée: car au lieu que dans l'usagc ordinaire elle ne tient
que le dernier rang, ces grands maîtres luy ont donné une place indépendante
des autres, &C l'ont si avantageusement traitée, qu'elle peut entrer en parangon
de beauté &C de noblelsc avec tous les ordres. Ce qui n'aura point à mon avis de
contestation , lors qu'on aura bien consideré le fameux exemple que j'en rap-
porte de la colonne Trajanc , un des plus superbes restes de la magnisicence
Romaine, qu'on voit encore aujourd'huy en pied , èc qui a plus immortalise
l'Empereur Trajan , que toutes les plumes des historiens. Cemausolée, si nous
le pouvons nommer ainsi, luy fut érigé par le Sénat, & par le peuple Romain,
en reconnoiiTance des grands services qu'il avoit rendus à la patrie; & afin que
la mémoire en fût presente à tous les siecles, & qu'elle durât autant que l'Em-
pire , ils voulurent qu'on les gravât sur le marbre, du plus riche stile qui ait
jamais été employé : l'Architecture fut l'historiographe de ce nouveau genre
d'histoire; &C parce qu'elle devoit preconiser un Romain, elle ne se servitpasdes
ordres Grecs, quoy qu'ils fulsent incomparablement plus parfaits, & plus en
usaçe, dans l'Italie même, que les deux autres originaires du pais ; de peur que
la gloire de ce monument admirable ne se trouvât en quelque façon partagée;
& pour faire voir aussi qu'il n'y a rien de si simple, que l'art ne sçache perfec-
tionner. Elle choisit donc la colonne de l'ordre Toscan, qui jusques alors n'a-
voit eu place que dans les choses grossieres èc rustiques ; &: de cette mastè in-
forme elle en fit naître le plus riche & le plus noble chef-d'œuvre du monde,
que le temps a épargné &c conlervé tout entier jufqu'à cette heure, au milieu
d'une infinité de ruines dont Rome est remplie. Et c'est comme une merveille,
de voir que le Colilée, le Théâtre de Marcellus, ces grands Cirques, les Ther-
mes de Diocletian, deCaracalla, &c d'Antonin, cesuperbe mole de la sepul-
tured'Adrian, le Septizone de Severus , le Mausolée d'Auguste, &: tant d'autres
édifices, qui sembloient être bâtis pour l'éternité, soient maintenant si caducs
& si délabrez, qu'à peine peut-on remarquer leur ancienne forme : quoyque
néanmoins nôtre colonne Trajane, dont la struclurc sembloit beaucoup moins
durable, soit restée en pied, par une secrete providence, qui destinoit ce mi-
raculeux obelisqueau plus grand monarque que Rome ait jamais porté, le chef
de l'Eglise saint Pierre , qui tient maintenant la place de l'Empereur auquel
elle avoit été dressée. Mais pour ne m'écarter point de mon sujet, qui est seule-
ment d'en faire la deseription fuivant le delsein de l'Architecte qui en fut l'au-
teur , je taillerai aux contemplatifs la moralité qu'on peut tirer de cette vicis-
situde si étrange, laquelle seroit icy un diseours hors de propos, S>C tres-inutik
à l'art dont il est question.