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Galerie contemporaine, littéraire, artistique — 3. Année, 2 Semestre.1878

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Ingres
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https://doi.org/10.11588/diglit.55262#0159
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INGRES

« Ce qui est mort avecM. Ingres,
c’est la dernière autorité qui main-
tenait un reste de règle... c’est le
glorieux passé. »
De Ronchaud.
I
ouze ans se sont enfuis depuis la mort de Ingres,
qui eut lieu à Paris, le 14 janvier 1867. Dans nos
souvenirs lointains nous revoyons encore les funé-
railles de cet artiste sincère. La neige tombait à
gros flocons, assourdissant les pas des amis connus et inconnus
qui tinrent à honneur de
suivre, ce jour-là, pour la
dernière fois, le caractère
qui venait de disparaître.
Tout était blanc, les che-
vaux, le catafalque, les voi-
tures, la foule, comme si
le ciel lui-même avait
voulu s’associer au deuil
que portait l’art acadé-
mique.
Douze ans qui ont calmé
les passions diverses sou-
levées par un enthousiasme
ou par un dénigrement sys-
tématiques. Car Ingres a eu
cet honneur inestimable
d’être autant encouragé et
défendu que blâmé et dis-
cuté.
Aujourd’hui, à la dis-
tance que nous signalions
tout à l’heure, nous pou-
vons constater que, de part
et d’autre , l’exagération
dépassa et la note juste en
éloges et la note juste en
critiques. Les amis et les
ennemis forcèrent la dose
à dessein.
N’est-il pas tout au
moins singulier de voir une
nature comme celle de
Ingres, toute de pensée,
de réflexion, de pondéra-
tion— de tradition surtout — susciter parmi le public d’une part,
parmi les critiques d’autre part, de véritables batailles. Deux camps
bien tranchés se partageaient les ateliers et les salons. Ici on était
coloriste, là on était ingriste ; mais on n’eût pas accepté, comme il
y a cinq siècles, Michel-Ange et Raphaël ! Une même admiration
ne pouvait envelopper les deux chefs d’école à qui le XIXe siècle
devra certainement une part de son prestige.
Il faut, pour atténuer la portée des manifestations qui traver-
saient la période tourmentée, mais intéressante, qui commença
vers 1825, rappeler quelle phase particulière subirent les arts

libéraux. On était en plein réveil. Un verbe ardent jetait ses notes
éclatantes aux quatre parties du ciel. On balayait les vieilles for-
mules, on dispersait les systèmes surannés, on contemplait le
passé enseveli sous la poussière des siècles, et, les yeux obstiné-
ment fixés vers l’avenir, on tâchait de découvrir des Amériques
nouvelles.
C’était l’époque des Hugo, des Lamartine, des de Musset, des
de Vigny. — Rude rappelait Jean Goujon et Puget, tandis que
Pradier mêlait la grâce de Phidias à l’enjouement de Clodioni —
Géricault était mort, mais Delacroix naissait voyant le berceau de
sa réputation entouré, défendu, soutenu au-dessus des tempêtes
par une jeunesse avide de
savoir, imprégnée de fièvre
et d’impétuosité, aspirant, à
s’en asphyxier, l’air de li-
berté qui circulait de toute
part. Pendant ce temps, que
nous n’avons plus revu,
hélas ! car l’ère des grands
artistes est close pour nous,
les aînés, Ingres poursui-
vait silencieusement sa
voie, traînant après soi à
peine quelques fidèles. L’a¬
pôtre de la ligne marchait
parallèlement avec le dieu
de la couleur sans espoir et
sans désir de jamais se ren-
contrer. Ce fut une mêlée
épique au milieu de laquelle
se confondirent tous les
tempéraments.
Après s’être menacé de-
vant la Naissance de Henri 1V,
de Devéria, après s’être in-
vectivé en présence duÀLzr-
tyre de saint Symphorien et
battu aux Burgraves, après
avoir prêté serment sur la
préface de Cromwell, on
allait jurer de vivre et de
mourir, les uns pour la
Forme divine des Grecs et
de Raphaël, les autres pour
le mouvement, la chaleur,
la vie tels que les avaient
compris les Eschyle, les Shakespeare, les Corneille, les Hugo, les
Delacroix. Puis les œuvres se produisirent—de quelques-unes on
peut écrire les chefs-d’œuvre —• s’accentuèrent, devinrent plus
familières aux profanes, plus accessibles à ceux qui « hors de
l’église » ne voyaient pas de salut, et les passions s’atténuèrent
petit à petit. Cependant la trêve des partis dura peu ; la lutte
n’était pas terminée qu’une occasion survint, et elle menaçait
de reprendre plus acharnée, plus dangereuse. On le vit bien
lorsqu’eurent lieu, à peu de distance, à la salle Martinet,
boulevard des Italiens, l’exposition des principaux tableaux
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