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lités se faisaient déjà remarquer dans ses premiers essais. Ces
mérites n’échappèrent à personne, et, quoique plusieurs de ses
camarades, et David lui-même, signalassent une exagération
dans ses études, tout le monde fut frappé de ses grandes aptitudes
et reconnut son talent (i). »
Après quatre années de travaux patients et un premier con-
cours qui lui valut le second prix de Rome, il remportait, en
1801, le premier prix. Ingres comptait alors vingt-et-un ans.
Le sujet à traiter était celui-ci : « Arrivée dans la tente d’Achille
des ambassadeurs envoyés par Agamemnon auprès du fils de
Pelée. »
A propos du séjour de Ingres dans l’atelier de David, plusieurs
versions ont circulé. On a parlé d’un semblant de dépit de la
part du maître, d’un commencement d’ingratitude de la part du
disciple quand David touchait à son déclin et au moment où
Ingres, déjà acclamé, sentait le succès lui venir. La sentiment
qu’on prête à Ingres visait plus, croyons-nous, en David, le con-
ventionnel qui n’en était plus à compter ses palinodies que le
réformateur de la peinture historique, car son successeur immé-
diat n’a-t-il pas dit : « Le grand David et sa grande école ! David
établit son enseignement sur les principes les plus vrais, les plus
sévères et les plus purs ; » et, une autre fois : « David a été
le seul maître de notre siècle ! « N’est-ce pas encore de lui
cette page d’un lyrisme tant soit peu outré :
« David est le vrai restaurateur de l’art français et un très-
grand maître. J’admire les Hor aces, VEnlèvement des Salines comme
des chefs-d’œuvre. (Il ne mentionne pas Marat qu’il devait dé-
tester.) C’est David qui m’a enseigné à mettre une figure sur ses
pieds, à attacher une tête sur des épaules. Je me suis adonné
comme lui à l’étude des peintures d’Herculanum et de Pompeï,
et, quoique je sois au fond toujours resté fidèle à ses excellents
principes, je crois avoir ouvert une voie personnelle en ajoutant
à l’amour qu’il avait pour l’antique le goût de la nature vivante,
l’étude de la grande tradition des écoles d’Italie et surtout des
ouvrages de Raphaël. »
Nous avons déjà dit que Ingres obtint le prix de Rome en
1801; mais les finances de la France étant obérées, il ne put
partir pour la capitale de l’Italie qu’en 1806. L’administration des
Beaux-Arts lui concéda, en manière de compensation, une cellule
dans l’ancien couvent des Capucines élevé sur le terrain de la rue
de la Paix actuelle, cellule qu’il transforma en atelier. Dans d'au-
tres parties du même couvent logeaient, à divers titres, quelques-
uns au même que Ingres, Gros, Girodet, Granet, Dupaty,
Delécluze, Chauvin, Bergeret, Bartolini statuaire, etc. Ce fut
une rude époque dans la vie de Ingres, absolument pauvre et
réduit pour vivre à faire des dessins, des illustrations de livres et
quelques portraits peu ou point rétribués. Celui de son père, de
Napoléon premier consul, et son propre portrait, qui appar-
tient à M. Reiset, sont de cette date. On cite encore du
peintre, pendant la même période, un tableau allégorique :
Napoléon passant le pont de Kehl ; une esquisse peinte : Vénus
blessée par Diomède; les portraits de Bartolini, de M. Ingres père,
de M. Gélibert de Montauban, un dessin représentant la famille
Forestié et une composition au crayon, Philémon et Beaucis.
Enfin Ingres put se rendre à Rome dont on peut dire qu’il avait
la nostalgie sans y avoir mis le pied. Il en embrassa le sol sacré
dès qu’il l’eut touché, comme pour en prendre possession et, de
fait, il y resta quatorze années. Face à face avec les merveilles
éparpillées dans cette Italie sublime, libre surtout de contempler

(1) Delécluze : David, son école, tt son temps, page 84.

Raphaël pour qui il marquait un culte servile, Ingres ressentit
l’initiation du beau. Tous les doutes qui l’avaient obsédé s’éva-
nouirent, et la Voie abpienne fut son chemin de Damas. EcceDeusl


s’écria-t-il dans les Stances du peintre d’Urbin, et le front dans la
poussière; mais l’âme haute, il jura d’imiter ou plutôt de suivre,
sinon d’égaler Raphaël.
On se rend compte que la possession de cette personnalité volon-
taire par un genre aussi troublant dut influer sur la destinée de
Ingres, qui s’enferma dans la manière de son idole, ainsi que
dans un cercle infranch ssable.
Eugène Montrosier.
(A suivre.)
 
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