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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 5
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Ronchaud, Louis de: Le tombeau de Madame de Lamartine: sculpté par M. Adam Salomon
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0505
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TOMBEAU DE MADAME DE LAMARTINE.

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vieux âges, sa poétique liberté. On peut croire môme qu’il s’est souvenu, pour la
manière dont il a disposé les bras, de cette strophe du grand poëte des Méditations :

Un de ses bras pendait de la funèbre couche;

L’autre, nonchalamment replié sur son cœur,

Semblait chercher encore et presser sur sa bouche
L’image du Sauveur.

En effet, un des bras de madame de Lamartine est étendu à son côté avec l’abandon
le plus complet de la matière inanimée; c’est la main qu’elle a donnée à la mort; mais
elle a gardé à la vie l’autre main qu’anime un vœu d’amour et de foi. Ce n’est point le
crucifix qu’elle tient, mais c’est le livre de Y Imitation du Christce livre lu souvent,
peut-être plus d’une fois baigné de larmes secrètes, confident et conseiller de sa vie,
sur lequel M. de Lamartine a écrit, dans Jocelyn, les admirables vers que chacun a
retenus. Tout était là pour elle ; entre l’esprit chrétien qui a inspiré ce livre et le
poétique génie qui l’a chanté, toute sa vie fidèle s’est écoulée; et ces deux pensées,
réunies en un seul symbole, peut-être involontairement, par l’artiste, la résument tout
entière.

Tous ceux qui ont approché madame de Lamartine savent combien elle était fière
du grand nom qu’elle portait. Après le culte de son église, il n’v avait point pour elle
de religion plus sainte que celle de son foyer. Cœur, esprit, volonté, tout était voué en
elle à sa tâche quotidienne, enchaîné à son glorieux devoir. Néanmoins, sous l’empire
d’une affection et d’une admiration presque sans bornes, elle avait conservé, comme un
apanage de sa race, son indépendance de pensée et de sentiment. Comme elle avait sa
foi religieuse, elle avait aussi ses amitiés à elle et ses occupations particulières, aux-
quelles elle se portait avec la passion de sa nature, mais seulement quand elle avait satis-
fait aux obligations que son nom lui imposait ou qu’elle s’imposait à elle-même pour la
gloire ou le bonheur de celui qui fut toujours, avec Dieu, sa première pensée.

Je ne puis, dans ce journal consacré aux beaux-arts, manquer de rappeler les tra-
vaux de madame de Lamartine en ce genre. Tous les lieux qu’elle a habités sont pleins
des œuvres de son ciseau et de son pinceau. On peut voir, dans l’église de Saint-
Germain-l’Auxerrois, le bénitier en marbre blanc que M. Jouffroy, l’un des membres de
l’Académie des Beaux-Arts, a sculpté d’après le modèle fait par elle. Ses doigts ingé-
nieux aimaient surtout à tracer sur la toile, du bout d’un pinceau délicat, de légères
arabesques où des formes enfantines, pour la grâce et l’innocence desquelles elle avait
une prédilection, se mêlaient à des fleurs et à des feuillages. Elle excellait à jeter sur
une page de blanc vélin des ornements fantastiques, de fraîches guirlandes, destinés à
servir d’encadrements aux vers que M. de Lamartine, avec une condescendance pro-
digue et une verve inépuisable, ne refusait jamais d’y écrire. Le motif était si pur, si
saint! 11 s’agissait presque toujours d’une œuvre de charité pour laquelle ces pages, où
deux harmonies se répondaient, devaient être exposées en loterie. Qui n’eût voulu, au
prix de quelque légère offrande, obtenir du sort une de ces feuilles, fragiles par la
matière, immortelles par l’esprit, que marquaient d’une triple consécration la poésie, l’art
et la charité ?

J’ai parlé de charité. Je ne viens pas répéter ce que d’autres ont dit avant moi, et
beaucoup mieux que je ne pourrais le dire, sur le bien fait par cette femme admirable. Je
voulais seulement, à propos du monument élevé à sa mémoire par un artiste qui l’a
 
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