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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 5
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Ronchaud, Louis de: Le tombeau de Madame de Lamartine: sculpté par M. Adam Salomon
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0506

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

m

bien connue-et aimée^ rappeler les vertus et les talents qui l’auraient faite digne des hon-
neurs rendus à sa tombe, quand même son nom n’aurait pas seul suffi pour les lui attirer.
A côté de la glorieuse immortalité de Lamartine, la compagne dévouée de sa vie aura
la sienne plus modeste, mais qui ne sera pas un simple reflet : elle devra a de rares
qualités personnelles, que l’éclat de son nom a seulement mises en lumière, le respect et
l’amour de la postérité.

On ne peut contester à M. Adam Salomon le mérite de l’avoir parfaitement comprise.
Son œuvre n’est pas seulement une reproduction fidèle, déjà bien difficile en l’absence
du modèle, des traits de madame de Lamartine; c’est une résurrection. Dans cette
image de mort une âme respire, un caractère se dessine, une vie se révèle. Le
souvenir et l’espérance, la vie et l’immortalité, s’unissent, sur ce tombeau, dans cette
figure qui est à la fois un portrait et une idée, et que la toute-puissante main d’un
artiste maître en son art semble avoir rappelée des régions ténébreuses au seuil de la
vie, pour servir de témoin aux vertus d’un monde et aux espérances d’un autre. La
composition est simple, harmonieuse. Les lignes pures se poursuivent avec tranquillité.
Le suaire descend à longs plis, avec une régularité sévère et douce, de la tète qu’il
entoure comme un capuce aux pieds qu’il recouvre, laissant à découvert la tête ornée
de ses deux nattes de cheveux, le bras qui pend au côté, la main qui serre le livre divin
sur le sein immobile. Le visage, dont le caractère exprime bien l’énergie active et pas-
sionnée qui fut un des traits de la nature de madame de Lamartine, a revêtu cette
placidité de la volonté endormie, après de longues luttes, dans la main de Dieu. 11 n’y
a pas jusqu’à la teinte mate de la pierre choisie pour l’exécution de ce monument qui
ne contribue à l’effet voulu par l’artiste. L’éclat et le poli du marbre auraient troublé la
paisible harmonie de l’œuvre telle que M. Adam Salomon l’avait conçue et rêvee. Ici la.
lumière vient doucement, pour ainsi dire sans bruit, comme de peur d’éveiller celle
qui dort. Rien ne heurte le regard, aucun relief n’est trop accusé, nulle lumière trop
vive, nulle ombre trop forte, rien ne le distrait; tout invite l'âme au recueillement, au
souvenir, tout appelle l’émotion religieuse.

Personne, j’en suis persuadé, ne se dérobera à ces sentiments en visitant, dans
l’atelier de M. Salomon, la pierre destinée à recouvrir, sur son tombeau de Saint-Point,
entouré de tant de respect et d’hommages, les restes de madame de Lamartine. Ceux
même qui vivent dans un ordre d’idées différent de celui où elle a vécu, mais qui
admiraient sa foi et qui comme elle espèrent dans la Providence, ne pourront s’empê-
cher de dire, en la voyant dormir d’un si calme et religieux sommeil : Beaii qui
moriuntur in Domino! Bienheureux ceux qui, après une vie mêlée d’épreuves,
s’endorment, fatigués et résignés, pleins d’amour et de confiance, aux bras de la divine
Miséricorde !

L. DE RONCHAUD.

Le Directeur : ÉMILE GALICHON.

PARIS.

IMPRIMERIE 1)K .1. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT, /
 
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