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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 1
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 5: peintre et écrivain
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0069
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EUGENE FROMENTIN.

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on proposerait volontiers de décorer tout ce qu’il y a de murs blancs dans les monu-
ments de Paris, se faisant fort de trouver non seulement assez de bras pour les couvrir,
mais assez de talents sans emploi pour les illustrer. Or, messieurs, ici gît l'embarras.
Est-ce l’occasion qui manque aux artistes ? sonl-ce les ar tistes qui manquent aux occa-
sions? ou ne sont-ce pas plutôt les circonstances d’époque, d’études, d’expérience et
de goût qui créent ce dilemme inquiétant dont on ne peut sortir?

Quant à la peinture de chevalet, l’opinion de la critique est différente. Et c’est un
point qui la fait se ranger du côté des peintres contre le public.

Elle dit à ce sujet au public une chose, entre autres, qui paraît très juste. Elle lui
dit: Bâtissez des palais, ouvrez des galeries, nous vous trouverons des tableaux; mais
ayez du jour, de l’espace, des libéralités encourageantes pour ceux qui voudraient tenter
du grand ; élargissez les mesures afin que les artistes aient envie d’élargir leur travail.
Quittez vos loupes, et n’exposez plus les œuvres des mains les plus diversement
douées à être jugées avec les rigueurs applicables seulement à l’examen des minia-
tures.

Elle se permet aussi de temps en temps des observations plus graves : sur le faux
goût, sur ses écarts, sur ses licences, sur l’accueil trop complaisant fait à certains
badinages imités du siècle précédent, et qui ne sauraient être excusés dans celui-ci, ni
par l'élégance du costume, ni par la gaieté des mœurs, ni par l’aimable étourderie
des caractères. Il y a des pudeurs ou, si vous l’aimez mieux, des pruderies qui s’en
offensent. Il se trouve des gens moins disposés à rire que cette légèreté factice émeut
désagréablement et qui le font comprendre.

A part ces questions de censure, sur lesquelles la décence et le bon sens sont
ordinairement d’accord, sur toutes les autres, qui sont innombrables, la critique est
profondément hésitante ou divisée, et cela ne peut surprendre. Si Ton songe, en effet,
à la difficulté de son rôle intermédiaire, au désir naturel de conciliation qui l’anime,
au grand nombre même de ceux qui l’exercent, aux différences d’âge, de naissance,
de parti pris, d’habitudes, de point de vue, de monde, de coteries qui les séparent;
aux amitiés qu’ils subissent ou qu’ils représentent, aux idées littéraires qui les
nuancent ; si l’on tient compte, en un mot, de ses origines, de ses inspirations ou de ses
attaches, on comprendra que la critique est tout simplement notre interprète à tous,
dilettanti, gens de goût, gens du monde, hommes de métier; qu’à ce litre, elle est
dans l’obligation de reproduire à l’infini la multiple et si diverse expression des idées
de ce temps; qu’elle n’a pas d’autres opinions que les nôtres, qu’elle adopte sans
discernement tous les intérêts qui lui sont confiés; qu’en conséquence, cette soi-
disant magistrature n’en est pas une, et qu’il lui serait fort difficile de se prononcer
avec indépendance sur un débat qu’elle-même a non seulement exposé, mais plaidé.

Voilà, messieurs, si je ne me trompe, ce qu’on pourrait dire, en résumé, de la situa-
tion faite à la critique par les circonstances, de son rôle ambigu, de ses entraves, et
d’une impuissance dont la justification même est dans les faits.

Quant au gouvernement, n’a-t-il point une action à prendre en tout ceci? Par son
administration, par ses budgets, par ses faveurs, par l'ensemble d’un protectorat qui
lui attribue des droits de tutelle avec des devoirs de patronage, le gouvernement a
toujours témoigné qu’il entendait surveiller d’assez près des questions qui touchent à
ce point le sort des individus ou l’honneur même de notre pays. Il fait ce qu’il peut,
et j’ajouterai qu’il fait tout ce qu’il doit.

Il organise, il encourage, il récompense; — deux mots, messieurs, que je souligne en
 
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