Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 5: peintre et écrivain
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0068

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
62

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Est-il bien certain qu’ils y entendent quelque chose? et ne serait-ce pas surprenant
de les voir du premier coup poser le doigt sur des vérités qui nous échappent à nous,
et nous mettre d’accord sur les points de discorde qui nous divisent? A ce propos,
messieurs, je crois que de temps à autre il y a certaines fiertés qui s’insurgent contre
ce fait bizarre, en effet, mais inévitable, contre cette tutelle des arts plastiques exercée
par Ie3 lettres. Si la chose était possible, on ne serait pas fâché de s’émanciper et do
revendiquer le droit de s’expliquer soi-même et directement avec le public. Or, ce {ro-
blème est de ceux qu’il faut abandonner, je pense, car il s’est produit de tout temps
et je n’aperçois pas qu'il ait jamais été résolu.

Telle est la moindre partie des griefs articulés par les artistes contre la destinée
qui les a fait naître au xixc siècle, et que vous connaîtriez plus au long si chacun les
exposait par écrit, ou si vous lisiez seulement les projets de réforme publiés sous leur
inspiration immédiate. On les accuse, ils répondent. Et dans ce conflit que dit la
critique?

Laciitique, messieurs, est bien embarrassée et pour une très bonne raison : c’est
que, placée sur la limite même qui sépare les ateliers du monde, elle participe un peu
de ces deux milieux et doit en refléter à son insu toutes les contradictions.

Elle est de l’avis du public sur la faiblesse croissante des expositions périodiques et
par conséquentsur l’abaissement du niveau. Elle se fait à ce sujet l’écho des plaintes, des
regrets, des exhortations ou des réprimandes. Elle gourmande amicalement les artistes
sur leur peu d’ardeur, sur leur manque d’audace. Elle leur prêche des vertus qui
semblent n’ôtre plus de notre âge : le désintéressement, l’abnégation, le pur amour du
travail, l’ambition élevée de la seule gloire. A l’appui de ces conseils, elle invoque de
grands exemples et les nobles souvenirs d’un temps ni plus ni moins héroïque que le
nôtre, mais où l’héroïsme alfectail seulement d’autres formes. Il n’y a pas de grands
noms, de modèles accomplis que la critique sérieuse ne juge à propos de citer, pour
enflammer l’imagination des jeunes gens et leur inspirer le respect salutaire de leurs
origines et de leur mandat. On retrouve, à travers ces sages remontrances delà critique
exercée par les hommes de lettres, quelque chose du sentiment romanesque et char-
mant qu'on avait, vers 1830, des choses positives de la vie : la passion de la lutte, la
foi dans l’inspiration, l’oubli du monde aperçu de loin ou de haut, — car le goût des
mansardes studieuses était de mode alors, — avec cela un certain mépris de l’argent
et le culte ingénu, non de son bien-être, mais de son esprit. Tout cela peut faire ana-
chronisme aujourd’hui, et cependant n’en rions pas. Quand ce souvenir d’une époque
éminemment jeune, usée sans avoir vieilli, et qui toujours apparaîtra sous les traits
hardis d’un visage de vingt ans; quand ce souvenir revient à l’heure qu’il est dans
notre monde si différent, ne trouvez-vous pas, messieurs, que nous en éprouvons
comme une chaleur?

La critique a donc raison, cent fois raison, et ce n’est pas moi, messieurs, qui la
blâmerai de répéter des choses si sensées. Qu’elle se préoccupe de la disparition d’un
grand art, le plus élevé par la conception, le plus simple par les moyens de s’ex-
primer, par conséquent le plus vaste quant à l’idée et le plus sévère en fait de res-
sources, c’est encore le droit de tout homme éclairé qui se souvient de son histoire
et qui regre.te. Alors elle cherche â la fois la cause du mal et les remèdes : la cause
elle la fait remonter très haut et très loin; les remèdes, elle en propose d’incertains
ou de radicaux. Par exemple, pour provoquer tout d’un coup le réveil de la peinture
monumentale, et ne distinguant pas très bien peut-être où est la cause et où est l’effet,
 
Annotationen