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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
passant, comme étant d’une importance capitale, car ils contiennent la question d’urgence
et d’initiative la plus subtile qui soit en discussion depuis longtemps. Quoi qu’il en soit,
le gouvernement n’attend pas, pour les adopter, que les talents se soient produits; il
n’attend pas que les hommes soient faits, il leur permet d’ètre. Il donne aux plus
jeunes le moyen de s’instruire. Il a des écoles : il y admet par des concours. Il cultive
à ses frais une pépinière de jeunes esprits dans l’intention légitime d’en former une
unité de doctrines ; avec l’espoir moins fondé d’en obtenir une élite. Indifféremment,
à tous il procure amplement les moyens de se faire connaître, à des conditions sans
doute, mais à des conditions en vérité peu rigoureuses. En môme temps, il a la main
pleine de travaux, de distinctions, d’honneurs. Il a ses pensionnaires et ses clients par
centaines, en grand nombre et do toutes catégories, depuis les plus humbles jusqu’aux
plus grands. A supposer ses libéralités insuffisantes, ce qu’on prétend, ce grief est de
ceux qui pourraient ôtre à l’instant même écartés par un chiffre de plus au budget ; et
les questions qui peuvent se résoudre ainsi sont heureusement les moins sérieuses.
A tous ces devoirs, pour la plupart tous pratiques, le gouvernement est-il tenu d’en
joindre d’autres ? Aurait-il l’obligation plus grave d’intervenir dans des questions, je
ne dirai plus de surveillance ni même de discipline, mais presque de doctrine et de
conscience, et en quelque sorte de jurisprudence artistique ? Ses devoirs de patronage
iraient-ils jusqu’à le contraindre à contrôler l’esprit, les opinions, l’enseignement même
et jusqu’aux jugements du seul tribunal qui jusqu’à présent ait eu la haute juridiction
dans ces affaires ?
Messieurs, des faits tout récents, que je n’ai ni le droit ni l’envie d’apprécier ici,
prouveraient que le gouvernement se croit engagé jusque-là.
De ces faits, qui passeront, qui nous agitent un peu, mais qui n’ont rien d’alarmant,
croyez-le bien, ni pour les artistes ni pour les arts, je ne dirai qu’un mot, le plus
ingénu de tous et le seul, au reste, qui me soit permis.
A le placer sur son vrai terrain, le débat serait très simple. On demanderait à la
haute magistrature qui nous régissait dans une mesure, qui nous jugeait et qui nous
honore, on lui demanderait un peu de cet éclectisme qui élargit l’esprit moderne, avec
un peu plus de zèle aussi dans certaines parties de son mandat. Être de son temps, et
faire à peu près tout ce qu’on doit : — je sais bien qu’en peu de mots c’est cependant
exiger beaucoup. Mais enfin la demande est juste. L’administration Ta jugée telle et
Ta posée. De quelle manière ?
Messieurs, souffrez encore que je le dise, toute question bien posée, dit-on, est à
moitié résolue.
Je crois donc — et ne seriez-vous pas de cet avis? — que, s’il y a des résistances,
des froissements et des amertumes mêlés à des débats, qui devraient en être toujours
exempts; si la vérité paraît si difficile à faire jaillir d’un conflit soutenu de part et
d’autre avec tant de conviction; si l’opinion hésite à ce point, qu’elle se porte avec des
variations singulières d’un côté vers l’autre, incertaine, irrésolue, défendant aujourd’hui
ce qu’elle avait combattu hier et détestant ceux-là mêmes dont elle avait invoqué l’appui ;
— ne croyez-vous pas que tout cela résulte djun simple malentendu ? que les inten-
tions sont bonnes, que les raisons données le sont un peu moins; que l’école de
ltome, par exemple, à qui Ton attribue ou tant de bienfaits ou tant d’effets nuisibles,
ne mérite en réalité ni ce grand honneur ni de si gros reproches ; qu’elle a sa raison
d’ètre incontestable, son utilité relative, qu’elle n'est ni tout ni rien; qu’elle est pour
l’art de bien peindre ce qu’une autre école illustre est pour l’art de bien dire, un
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
passant, comme étant d’une importance capitale, car ils contiennent la question d’urgence
et d’initiative la plus subtile qui soit en discussion depuis longtemps. Quoi qu’il en soit,
le gouvernement n’attend pas, pour les adopter, que les talents se soient produits; il
n’attend pas que les hommes soient faits, il leur permet d’ètre. Il donne aux plus
jeunes le moyen de s’instruire. Il a des écoles : il y admet par des concours. Il cultive
à ses frais une pépinière de jeunes esprits dans l’intention légitime d’en former une
unité de doctrines ; avec l’espoir moins fondé d’en obtenir une élite. Indifféremment,
à tous il procure amplement les moyens de se faire connaître, à des conditions sans
doute, mais à des conditions en vérité peu rigoureuses. En môme temps, il a la main
pleine de travaux, de distinctions, d’honneurs. Il a ses pensionnaires et ses clients par
centaines, en grand nombre et do toutes catégories, depuis les plus humbles jusqu’aux
plus grands. A supposer ses libéralités insuffisantes, ce qu’on prétend, ce grief est de
ceux qui pourraient ôtre à l’instant même écartés par un chiffre de plus au budget ; et
les questions qui peuvent se résoudre ainsi sont heureusement les moins sérieuses.
A tous ces devoirs, pour la plupart tous pratiques, le gouvernement est-il tenu d’en
joindre d’autres ? Aurait-il l’obligation plus grave d’intervenir dans des questions, je
ne dirai plus de surveillance ni même de discipline, mais presque de doctrine et de
conscience, et en quelque sorte de jurisprudence artistique ? Ses devoirs de patronage
iraient-ils jusqu’à le contraindre à contrôler l’esprit, les opinions, l’enseignement même
et jusqu’aux jugements du seul tribunal qui jusqu’à présent ait eu la haute juridiction
dans ces affaires ?
Messieurs, des faits tout récents, que je n’ai ni le droit ni l’envie d’apprécier ici,
prouveraient que le gouvernement se croit engagé jusque-là.
De ces faits, qui passeront, qui nous agitent un peu, mais qui n’ont rien d’alarmant,
croyez-le bien, ni pour les artistes ni pour les arts, je ne dirai qu’un mot, le plus
ingénu de tous et le seul, au reste, qui me soit permis.
A le placer sur son vrai terrain, le débat serait très simple. On demanderait à la
haute magistrature qui nous régissait dans une mesure, qui nous jugeait et qui nous
honore, on lui demanderait un peu de cet éclectisme qui élargit l’esprit moderne, avec
un peu plus de zèle aussi dans certaines parties de son mandat. Être de son temps, et
faire à peu près tout ce qu’on doit : — je sais bien qu’en peu de mots c’est cependant
exiger beaucoup. Mais enfin la demande est juste. L’administration Ta jugée telle et
Ta posée. De quelle manière ?
Messieurs, souffrez encore que je le dise, toute question bien posée, dit-on, est à
moitié résolue.
Je crois donc — et ne seriez-vous pas de cet avis? — que, s’il y a des résistances,
des froissements et des amertumes mêlés à des débats, qui devraient en être toujours
exempts; si la vérité paraît si difficile à faire jaillir d’un conflit soutenu de part et
d’autre avec tant de conviction; si l’opinion hésite à ce point, qu’elle se porte avec des
variations singulières d’un côté vers l’autre, incertaine, irrésolue, défendant aujourd’hui
ce qu’elle avait combattu hier et détestant ceux-là mêmes dont elle avait invoqué l’appui ;
— ne croyez-vous pas que tout cela résulte djun simple malentendu ? que les inten-
tions sont bonnes, que les raisons données le sont un peu moins; que l’école de
ltome, par exemple, à qui Ton attribue ou tant de bienfaits ou tant d’effets nuisibles,
ne mérite en réalité ni ce grand honneur ni de si gros reproches ; qu’elle a sa raison
d’ètre incontestable, son utilité relative, qu’elle n'est ni tout ni rien; qu’elle est pour
l’art de bien peindre ce qu’une autre école illustre est pour l’art de bien dire, un