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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 1
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 5: peintre et écrivain
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0071

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EUGÈNE FROMENTIN.

65

moyen de culture pour ceux qui y vont, mais non pas un lieu de salut à l’exclusion de
tous ceux qui n’auront pas eu l’honneur d’en faire partie ? Eh bien, messieurs, je
reprends mon dire, et je vous demande après ce seul exemple si vous ne croyez pas
que, de part et d’autre, la cause est très juste et peut se soutenir, mais autrement; qu’on
tomberait ainsi d’accord en se comprenant mieux, et que la vérité souffre seulement
d’une erreur de raisonnement, ce qu’on appelle en rhétorique un paralogisme.

Quant à la question, supérieure à cet incident passager, quant à la question de
savoir si le gouvernement est chargé d’agir directement sur le goût, sur les doctrines,
en un mot, d’inspirer les arts, messieurs, c’est une administration d’âmes dont aucun
gouvernement que je sache ne s’est jamais considéré comme investi. Je crois comprendre
que tous les hommes de pouvoir à qui la destinée a fait cadeau d’un siècle de lumières,
depuis Périclès jusqu’à nous, tous ont eu le même esprit : celui de laisser faire et
d’envisager comme une faveur spontanée de leur pays ou de leur siècle la moisson de
grands hommes qui leur composait un temps si riche. Leur principe était le nôtre :
rendre le terrain propice et attendre. Le reste ne regarde personne, hormis celui qui
choisit telle date ou tel germe pour en faire le moule d’une grande époque ou d’un
grand artiste.

Le gouvernement est donc hors de cause, au moins sur le point capital qui nous
occupe. Ce n’est pas à lui de faire des peintres; il les adopte. Ce n’est pas à lui de nous
donner le goût; il en multiplie les plus beaux exemples. Ce n’est pas à lui de créer
des lumières; l’histoire en fournit qui ne sont pas éteintes, et le gouvernement en
réunit des foyers assez visibles pour qui sait les voir. Enfin ce n’est pas à lui, je
suppose, de nous rédiger un code à notre usage ; car, messieurs, institutes, capitulaires
artistiques, tous les recueils impérissables des lois peintes, nous les avons dans les
musées, et la porte n’en est fermée à personne.

Je me résume, et je dis : Sous cette prospérité apparente il y a beaucoup de malaise.
Cette harmonie des intelligences cache au fond de profonds désaccords. Si le public
est étranger à cet état de choses, si les artistes en sont innocents, si la critique est
impuissante même aie signaler, si le gouvernement est justifié, messieurs, nous avons
à nous demander quel est le coupable.

Et j’oserai répondre : C’est notre ignorance.

III

Je suppose un artiste de bonne foi, relativement éclairé et modeste : ce n’est pas
si rare. J’admets que vous ayez ses confidences, et que, dans un de ces jours où
certaines défaites morales rendent la conscience très nette et la sensibilité très clair-
voyante, cet homme, un peu désenchanté, soit amené à vous ouvrir le fond de sa pensée.
S’il est dans les dispositions de tristesse et de sincérité dont je parle, probablement,
messieurs, il vous dirait à peu près ce que je vais vous dire.

Nous tournons dans un cercle vicieux. Le goût public est compromis : celui des
peintres ne l’est pas moins ; et nous cherchons vainement lequel des deux doit redresser
l’autre. Tantôt nous disons que l’opinion devrait agir sur la qualité des œuvres et la
relever; tantôt, suivant de nouveaux avis, ce serait aux œuvres elles-mêmes qu’il
appartiendrait d’agir sur l’opinion et de la convertir par de bons exemples. Quel est
le meilleur des deux avis? Pour admettre que l’un des deux fût bon, il faudrait
— 2" fébiodk. 9

XXI.
 
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