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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Paris, où l’allégorie se mêle à la réalité historique. D’autres fragments
doivent exister encore; et, je l’ai dit, le peu qu’il est possible d’en voir
dans les musées ou les collections particulières donne à penser que l’his-
toire de Henri IV n’eût pas été inférieure à celle de Marie de Médicis.
La nécessité de grouper tous les détails relatifs à cette grande œuvre
avortée nous a obligé d’aller plus vite que la chronologie ; il faut revenir
un peu en arrière, jusqu’à cette année 1626 qui marqua dans la vie
de Rubens comme une date douloureuse. Il acheva, au printemps, la
grande Assomption de la Vierge, qu’il destinait au maître autel de la
cathédrale d’Anvers et qu’on y retrouve encore. Dans un précédent article,
nous avions approximativement fixé à 1620 l’époque à laquelle l’artiste
commença cette vaste composition. Il résulte d’une savante brochure
que M. Max Rooses, conservateur du musée Plantin, a bien voulu nous
transmettre1, que, le 12 novembre 1619, Rubens avait passé un contrat
avec le doyen de la cathédrale; mais, en 162/i, la composition n’étant
pas encore arrêtée, les marguilliers résolurent de faire agrandir le pan-
neau, qui ne paraissait pas assez vaste pour remplir l’emplacement choisi;
les six premiers mois de l’année suivante furent en grande partie absor-
bés par le voyage à Paris, et ce n’est qu’à son retour que Rubens dut
achever Y Assomption de la Vierge• enfin, le 11 mai 1626, quatre
hommes transportèrent le tableau de la maison de Rubens jusqu’à la
cathédrale, et ils le mirent en place.
« Nul doute, écrit M. Max Rooses, que le tableau ne soit entière-
ment de la main de Rubens. » L’auteur déclare aussi que cette peinture
marque chez le maître la transition de sa seconde manière à la troisième,
et il dit fort bien qu’il n’y a plus là de tons hardiment juxtaposés, mais,
au contraire, une fusion harmonieuse et dans l’ensemble un aspect fleuri.
A la fin du siècle dernier, cette clarté des colorations avait frappé Samuel
Ireland. The picture, écrit-il, is in his best manner and elearest tone of
rolouring2. Le touriste anglais se sépare ici de Reynolds, d’après lequel
la couleur n’est pas aussi riche que d’ordinaire, mais il assure comme
lui que Y Assomption a été peinte en seize jours. Où donc avaient-ils
appris ce détail? Il est certain que le tableau du maître autel de la cathé-
drale d’Anvers est un Rubens rapide, léger, pas très convaincu.
A ce moment de sa vie et sauf le petit ennui qui lui venait du silence
de l’abbé de Saint-Ambroise, au sujet de la seconde galerie du Luxem-
1. Max Rooses, VAssomption cle la Vierge, tableau du maître autel de la ca-
thédrale d'Anvers, 1882.
2. A picturesque tour through Holland, Brabant and part of France. Londres,
1790, If, p. 10.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Paris, où l’allégorie se mêle à la réalité historique. D’autres fragments
doivent exister encore; et, je l’ai dit, le peu qu’il est possible d’en voir
dans les musées ou les collections particulières donne à penser que l’his-
toire de Henri IV n’eût pas été inférieure à celle de Marie de Médicis.
La nécessité de grouper tous les détails relatifs à cette grande œuvre
avortée nous a obligé d’aller plus vite que la chronologie ; il faut revenir
un peu en arrière, jusqu’à cette année 1626 qui marqua dans la vie
de Rubens comme une date douloureuse. Il acheva, au printemps, la
grande Assomption de la Vierge, qu’il destinait au maître autel de la
cathédrale d’Anvers et qu’on y retrouve encore. Dans un précédent article,
nous avions approximativement fixé à 1620 l’époque à laquelle l’artiste
commença cette vaste composition. Il résulte d’une savante brochure
que M. Max Rooses, conservateur du musée Plantin, a bien voulu nous
transmettre1, que, le 12 novembre 1619, Rubens avait passé un contrat
avec le doyen de la cathédrale; mais, en 162/i, la composition n’étant
pas encore arrêtée, les marguilliers résolurent de faire agrandir le pan-
neau, qui ne paraissait pas assez vaste pour remplir l’emplacement choisi;
les six premiers mois de l’année suivante furent en grande partie absor-
bés par le voyage à Paris, et ce n’est qu’à son retour que Rubens dut
achever Y Assomption de la Vierge• enfin, le 11 mai 1626, quatre
hommes transportèrent le tableau de la maison de Rubens jusqu’à la
cathédrale, et ils le mirent en place.
« Nul doute, écrit M. Max Rooses, que le tableau ne soit entière-
ment de la main de Rubens. » L’auteur déclare aussi que cette peinture
marque chez le maître la transition de sa seconde manière à la troisième,
et il dit fort bien qu’il n’y a plus là de tons hardiment juxtaposés, mais,
au contraire, une fusion harmonieuse et dans l’ensemble un aspect fleuri.
A la fin du siècle dernier, cette clarté des colorations avait frappé Samuel
Ireland. The picture, écrit-il, is in his best manner and elearest tone of
rolouring2. Le touriste anglais se sépare ici de Reynolds, d’après lequel
la couleur n’est pas aussi riche que d’ordinaire, mais il assure comme
lui que Y Assomption a été peinte en seize jours. Où donc avaient-ils
appris ce détail? Il est certain que le tableau du maître autel de la cathé-
drale d’Anvers est un Rubens rapide, léger, pas très convaincu.
A ce moment de sa vie et sauf le petit ennui qui lui venait du silence
de l’abbé de Saint-Ambroise, au sujet de la seconde galerie du Luxem-
1. Max Rooses, VAssomption cle la Vierge, tableau du maître autel de la ca-
thédrale d'Anvers, 1882.
2. A picturesque tour through Holland, Brabant and part of France. Londres,
1790, If, p. 10.