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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 3
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Mantz, Paul: Rubens, 10
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0218

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RUBENS.

207

bourg, Rubens était satisfait et tranquille. 11 voyait grandir sous ses yeux
les deux fils qu’il aimait. Albert avait douze ans, Nicolas venait d’entrer
dans sa neuvième année. C’est vraisemblablement à cette époque ou à
une date assez voisine que Rubens peignit le double portrait dont il existe
deux exemplaires également célèbres, celui du musée de Dresde et celui
de la galerie Liechtenstein. On se rappelle ces deux enfants costumés en
petits gentilshommes et déjà sérieux. L’aîné a la gravité précoce d’un
garçon qui sera fonctionnaire du roi d’Espagne ; il a le bras passé sur les
épaules de Nicolas et il semble protéger son frère, qui s’amuse à faire
voler un oiseau qu’il tient au bout d’un fil. Dans ces deux portraits réu-
nis, l’arrangement est plein de goût, l’exécution a de la richesse. C’est la
peinture d’un homme heureux.

C’est pourtant à ce moment qu’une calamité imprévue allait attrister
le cœur de Rubens. Sa femme Isabelle Brant faisait si peu de bruit dans
la ville d’Anvers qu’il est difficile d’écrire son histoire; les registres des
anciennes paroisses nous montrent quelle fut plusieurs fois marraine ;
mais ce n’est pas là une biographie. En 1626, Isabelle avait à peine
trente-quatre ans et ne paraissait point disposée à mourir. Elle mourut
cependant sans que nous sachions rien des circonstances de sa maladie;
malgré de longues recherches, la date précise de sa mort reste encore
inconnue. C’est Rubens lui-même qui nous parle de l’événement, dans
une lettre du 15 juillet 1626 adressée à Pierre Dupuy. Il répond évi-
demment aux tentatives de consolation que ses amis avaient essayées à
la nouvelle du malheur. «En vérité, dit-il, j’ai perdu une excellente com-
pagne, qu’on pouvait, qu’on devait même chérir avec raison, non havendo
alcun vicio proprio del sno sesso, sema morosita y senza impotema
donnesca, ma lutta buona, lutta honesta y per le sue virtu amala in vita
y dopo morte planta universalmente de tutti. »

Certes, le coup était rude et légitimait bien des tristesses. Rubens
restait seul avec deux fils dont l’enfance exigeait encore des soins ma-
ternels. Combien la maison lui parut vide au lendemain de la mort
d’Isabelle Brant, on le devine ; la seconde partie de la lettre dont nous
avons reproduit un fragment dit d’ailleurs à quel point son âme fut
d’abord désorientée. Peu à peu, ainsi que le lui avaient fait pressentir
Pierre Dupuy et le comte d’Olivarès dans leurs billets de condoléance, le
temps accomplit son office et la blessure se cicatrisa. La vie a des philtres
guérisseurs. L’avenir nous montrera un Rubens consolé.

PAUL JIANÏZ.

{La suite prochainement.)
 
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