PIERRE EREUGIIEL LE VIEUX.
23
On va s’en convaincre par la traduction suivante. Elle a tout l’air
d’un programme.
« Représentation de la manière dont les pèlerins doivent danser .
le jour de la Saint-Jean, à Meulebeke, près Bruxelles '. L’on doit leur
faire traverser le pont, soit en dansant, soit par la contrainte, comme
on le voit ci-après. On assure qu’ils sont alors, pour une année entière,
délivrés de leur mal épileptique.
« Les joueurs de musette prennent la tête du cortège; viennent
ensuite les pèlerins, conduits par de robustes gars et marchant fort
contre leur gré. On en voit qui versent des larmes, d’autres poussent
des cris. Arrivés en vue du pont, ils se rebellent et ceux qui les
accompagnent ont fort à faire pour triompher de leur résistance. Se
saisissant d’eux, ils leur font de force franchir le pont.. Une fois sur
l'autre bord, les malheureux tombent comme exténués. Les habitants
de l’endroit se portent à leur secours, leur prodiguent des soins,
les réconfortent à l’aide de boissons chaudes. Ainsi se termine la
procession. »
M. Charcot remarque combien un spectacle si plein de singularité
et de mouvement était fait pour tenter le crayon de Breughel et c’est
à ses yeux une bonne fortune que l’existence des dessins d’un maître
qu’il proclame aussi habile que consciencieux.
De fait, le texte que nous venons de reproduire précise à souhait
les détails de l’étrange pèlerinage. Il explique l’effort des hommes
d’escorte par la résistance énergique des malades, exclusivement
composés, chose digne de remarque, de représentants du sexe dit
faible.
Comme c’est le cas pour tant d’autres compositions où le spectacle
des misères humaines guide son pinceau, Breughel a ses modèles à
portée.
En effet, Bruxelles est devenu sa résidence, par suite d’un fait
important de sa carrière : il s’est marié. Sa femme n’est autre que
l’enfant qu’il a si souvent bercée dans ses bras, Marie Kœcke, la fille
de. son ancien maître. Marie Yerhulst ou Bessemers, la veuve de
Pierre Kœcke % en mère prévoyante, ne consentit à donner sa fille à
Breughel que sous cette condition expresse que lejeune ménage habi-
terait Bruxelles.
Ce dut être pour notre peintre un sacrifice de quelque importance
1. Molenbeek-Saint-Jcan, faubourg de la capitale.
2. Elle fut une miniaturiste célèbre, et forma son petit-fils, Breughel de Velours.
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On va s’en convaincre par la traduction suivante. Elle a tout l’air
d’un programme.
« Représentation de la manière dont les pèlerins doivent danser .
le jour de la Saint-Jean, à Meulebeke, près Bruxelles '. L’on doit leur
faire traverser le pont, soit en dansant, soit par la contrainte, comme
on le voit ci-après. On assure qu’ils sont alors, pour une année entière,
délivrés de leur mal épileptique.
« Les joueurs de musette prennent la tête du cortège; viennent
ensuite les pèlerins, conduits par de robustes gars et marchant fort
contre leur gré. On en voit qui versent des larmes, d’autres poussent
des cris. Arrivés en vue du pont, ils se rebellent et ceux qui les
accompagnent ont fort à faire pour triompher de leur résistance. Se
saisissant d’eux, ils leur font de force franchir le pont.. Une fois sur
l'autre bord, les malheureux tombent comme exténués. Les habitants
de l’endroit se portent à leur secours, leur prodiguent des soins,
les réconfortent à l’aide de boissons chaudes. Ainsi se termine la
procession. »
M. Charcot remarque combien un spectacle si plein de singularité
et de mouvement était fait pour tenter le crayon de Breughel et c’est
à ses yeux une bonne fortune que l’existence des dessins d’un maître
qu’il proclame aussi habile que consciencieux.
De fait, le texte que nous venons de reproduire précise à souhait
les détails de l’étrange pèlerinage. Il explique l’effort des hommes
d’escorte par la résistance énergique des malades, exclusivement
composés, chose digne de remarque, de représentants du sexe dit
faible.
Comme c’est le cas pour tant d’autres compositions où le spectacle
des misères humaines guide son pinceau, Breughel a ses modèles à
portée.
En effet, Bruxelles est devenu sa résidence, par suite d’un fait
important de sa carrière : il s’est marié. Sa femme n’est autre que
l’enfant qu’il a si souvent bercée dans ses bras, Marie Kœcke, la fille
de. son ancien maître. Marie Yerhulst ou Bessemers, la veuve de
Pierre Kœcke % en mère prévoyante, ne consentit à donner sa fille à
Breughel que sous cette condition expresse que lejeune ménage habi-
terait Bruxelles.
Ce dut être pour notre peintre un sacrifice de quelque importance
1. Molenbeek-Saint-Jcan, faubourg de la capitale.
2. Elle fut une miniaturiste célèbre, et forma son petit-fils, Breughel de Velours.