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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 1
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Ritter, William: Allemagne, Pologne et Italie: correspondance de l'étranger
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0077
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dessin sobre et sûr dans un petit portrait de jeune femme, noir et blanc sur papier
vert, qui fait penser aux meilleurs dessins allemands du xvic siècle.

J'ai parlé ici même, il y a quelques mois, des pieuses, ferventes et poétiques
lithographies de M. Hans Thoma. Comme peintre, il se révèle toujours avec le
même souci de rapprocher autant que possible sa pensée et ses conceptions de
celles des grands maîtres d’autrefois. Il a peut-être pensé à Léonard dans cette
sainte Cécile aux cheveux roux, au vêtement pourpre, découpée sur un fond de
montagnes alpestres rosies par le couchant. Tout le tableau est d’un rose et d’un
mauve ambré plein de chaleur et de tendresse, et bien supérieur encore à l’étude.
Le Semeur est tout à fait allemand têtu, obstiné, écrit avec la précision de Durer,
rien du geste auguste de Millet; il laisse tomber les grains, de son poing fermement
tendu vers la terre, un à un... Bien allemande encore la Diseuse de contes, dans
son joli cadre simulant une mosaïque des récits de la bonne vieille. Enfin un
paysage de mélancolique printemps, ensoleillé dans une saulaie autour d’une eau
croupissante, montre encore M. Thoma paysagiste préoccupé de grand style et de
savante simplification.

M. Hans Sandreuter a d’abord été le disciple immédiat de Bôcklin. et s’il continue
maintenant à en être le disciple, c’est toutefois en dégageant fort bien sa person-
nalité de celle de son maître. Sans compter sa belle décoration pour le casino de
Baden en Argovie, peinte à fresque à même la muraille, il a fait des œuvres tout
à fait remarquables dans la grande salle de l’abbaye des Forgerons à Bàle et dans
l'ancien couvent de Saint-Georges à Stein, sur le Rhin, restauré avec tant de goût
par le Dr Vetter. M. Sandreuter a un seul tableau à Munich, la Porte étroite, sereine
composition qui allie l’idée des Champs-Elysées païens à celle du Paradis chrétien,
sous la garde d’un saint Pierre qui pourrait être le Temps mythologique. Les
couleurs sont excessivement pures et franches, et d’une très grande douceur : une
vraie fête pour les yeux.

Un autre artiste dont les tableaux ont toute la joie des plus fraîches et des plus
tendres couleurs, c’est M. de Hofmann. De son Idylle au bord d’un ruisseau, de son
Adam et Eve, de ses jeunes gens nus au sommet d'une montagne, on peut dire la
même chose. C’est de la peinture heureuse, conçue sans effort par un esprit prime-
sautier qui voit tout en rose dans la vie, même les nuages. Si ses nus avaient un
peu plus de fermeté, un peu de la savante précision de ceux deM. Stuck, et cela sans
rien perdre des délicates colorations et du très vivant jeu de reflets dont ils sont
diaprés, nous saluerions déjà en lui l’artiste très complet qu'il est en train de devenir.
Nous regrettons un peu qu’au sommet de la montagne, d'où ses jeunes héros consi-
dèrent le vaste monde et un très bel horizon d’Alpes, en hésitant sur le chemin de
la vertu, il ait planté un.pommier peu vraisemblable à cette altitude, mais dont le
grand tort est surtout d’évoquer des idées de péché originel tout à fait absentes de
ses intentions.

Si M. de Hofmann est un heureux, bien malheureux en revanche est ce Bruno
Piglheim, dont les tableaux sont ornés d’un crêpe, et qui ne sut jamais ce qu’il voulut,
allant sans conviction du réalisme à l’idéalisme. Touche-à-tout de tempérament, il
a eu le tort d’être tenté par trop de chose? ; artiste trop curieux de l’art d’autrui, il
oublia d’être lui-même à force de vouloir miter tout ce qu'il voyait de bien. Il périra
pour n'avoir fait ni autrement ni mieux que d’autres. On a cependant de lui deux
beaux centaures enlacés, sur la plage d’une mer grise d’où ils vont se précipiter
 
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