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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
couché à terre près d'une urne. La seconde suite parue la même
année et sous la même adresse, ue renferme qu’une seule planche du
jeune graveur; c’est la septième (un homme nu, vu de dos, assis sur
un rocher). Son intérêt est surtout dans la signature, tracée à la pointe
vers la droite : j. b. Perronneau /., signature timide, que je retrouve
deux ans plus tard au bas d’un portrait au crayon rouge de Mtl0 Des-
friches, portant cette authentification doublement précieuse : par
Perronnau, 1740. La naïveté extrême du tracé, le rendu quasiment
géométrique du ruban et des agréments du corsage, l’absence de
modelé sont tels qu’on se demanderait s’il n’y a pas confusion et si
ce méchant croquis ne serait pas du jeune écolier « frère de l’auteur »
dont le portrait, inconnu aujourd’hui, figurait au Salon de 1746;
mais la tradition conservée dans la famille Desfriches est formelle;
cette sécheresse même, d’ailleurs, tenait autant à l’inexpérience de
l’artiste qu’à sa pratique de graveur. Le contraste de cette croquade et
des éclatants portraits de 1746 ne nous rendrait que plus précieuses
les tentatives qu’il lit dans cet intervalle pour assouplir son procédé,
mais, cette fois encore, il nous échappe et sa vie publique ne commence
pour nous qu’à son entrée à l’Académie royale en qualité d’agréé.
« Le sieur Jean-Baptiste Perronneau, de Paris, peintre de por-
traits, ayant fait apporter de scs ouvrages, disent les Procès verbaux1
du 27 août 1746, l’Académie, après avoir pris les voix à l’ordinaire
et reconnu sa capacité, a agréé sa présentation et le dit sieur ira
chez M. le directeur qui lui ordonnera les portraits qu’il doit faire
pour sa réception. »
Cotte formule, uniformément employée par le rédacteur du procès-
verbal à chaque agrégation nouvelle, n’appellerait par elle-même au-
cune remarque, si elle ne décelait une particularité assez piquante.
La pratique du pastel, longtemps abandonnée en France à un
très petit nombre d’adeptes, avait, depuis le séjour de la Rosalba à
Paris, obtenu une vogue singulière. Si La Tour, qui, jusque-là,
n’avait pas connu de rival, ne se voyait point encore menacé dans sa
royauté incontestée, une réaction, dont les brochures du temps nous
ont apporté l’écho, commençait à se dessiner contre ce procédé, en
lui-même jugé trop expéditif et trop éphémère. Trois mois avant
F « agrément » de Perronneau, un autre débutant, dont la vie fut
par la suite, semble-t-il, presque aussi errante et aussi inconnue que
1. Publiés par M. A. de Montaiglon pour la Société de l’Histoire de l’Art fran-
çais. Tome VI, p. 34.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
couché à terre près d'une urne. La seconde suite parue la même
année et sous la même adresse, ue renferme qu’une seule planche du
jeune graveur; c’est la septième (un homme nu, vu de dos, assis sur
un rocher). Son intérêt est surtout dans la signature, tracée à la pointe
vers la droite : j. b. Perronneau /., signature timide, que je retrouve
deux ans plus tard au bas d’un portrait au crayon rouge de Mtl0 Des-
friches, portant cette authentification doublement précieuse : par
Perronnau, 1740. La naïveté extrême du tracé, le rendu quasiment
géométrique du ruban et des agréments du corsage, l’absence de
modelé sont tels qu’on se demanderait s’il n’y a pas confusion et si
ce méchant croquis ne serait pas du jeune écolier « frère de l’auteur »
dont le portrait, inconnu aujourd’hui, figurait au Salon de 1746;
mais la tradition conservée dans la famille Desfriches est formelle;
cette sécheresse même, d’ailleurs, tenait autant à l’inexpérience de
l’artiste qu’à sa pratique de graveur. Le contraste de cette croquade et
des éclatants portraits de 1746 ne nous rendrait que plus précieuses
les tentatives qu’il lit dans cet intervalle pour assouplir son procédé,
mais, cette fois encore, il nous échappe et sa vie publique ne commence
pour nous qu’à son entrée à l’Académie royale en qualité d’agréé.
« Le sieur Jean-Baptiste Perronneau, de Paris, peintre de por-
traits, ayant fait apporter de scs ouvrages, disent les Procès verbaux1
du 27 août 1746, l’Académie, après avoir pris les voix à l’ordinaire
et reconnu sa capacité, a agréé sa présentation et le dit sieur ira
chez M. le directeur qui lui ordonnera les portraits qu’il doit faire
pour sa réception. »
Cotte formule, uniformément employée par le rédacteur du procès-
verbal à chaque agrégation nouvelle, n’appellerait par elle-même au-
cune remarque, si elle ne décelait une particularité assez piquante.
La pratique du pastel, longtemps abandonnée en France à un
très petit nombre d’adeptes, avait, depuis le séjour de la Rosalba à
Paris, obtenu une vogue singulière. Si La Tour, qui, jusque-là,
n’avait pas connu de rival, ne se voyait point encore menacé dans sa
royauté incontestée, une réaction, dont les brochures du temps nous
ont apporté l’écho, commençait à se dessiner contre ce procédé, en
lui-même jugé trop expéditif et trop éphémère. Trois mois avant
F « agrément » de Perronneau, un autre débutant, dont la vie fut
par la suite, semble-t-il, presque aussi errante et aussi inconnue que
1. Publiés par M. A. de Montaiglon pour la Société de l’Histoire de l’Art fran-
çais. Tome VI, p. 34.