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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
années après cette étonnante acquisition, M. Georges Brentano,
toujours servi par la fortune, trouvait, à Bâle encore, le por-
trait d’Etienne Chevalier, peint à l’huile, sur bois, de grandeur
naturelle, accompagné de son patron saint Etienne. Ce panneau
provenait d’un diptyque, dont l’autre volet, consacré à la Vierge et
à l’Enfant Jésus, est maintenant au Musée d’Anvers... En 1891,
Monsieur le duc d’Aumale a fait entrer dans sa galerie de tableaux
les quarante miniatures du fameux livre d’Heures ; il a ainsi rendu à la
France une des œuvres capitales de notre peinture nationale. Peut-
être un jour le portrait d’Étienne Chevalier nous reviendra-t-il
aussi? Souhaitons-le. M. Burncy vient d’en exécuter une gravure dans
laquelle il a mis autant de talent que d’intelligence ; c’est cette
gravure que la Gazette des Beaux-Arts offre à ses lecteurs aujour-
d'hui... Avant de décrire le portrait, rappelons ce qu’on sait de Jean
Fouquet et ce que fut Etienne Chevalier.
I
Jean Fouquet n’a pas d’histoire, ce qui n’cmpcche pas qu’on ait
beaucoup écrit sur lui1 ; ce qui reste de ses œuvres forme, d’ailleurs,
le monument le plus important de la peinture française au xvc siècle.
La date de sa naissance est inconnue; chacun peut choisir celle qui
lui convient entre 1410 et 1423. Il était tourangeau, aussi la ville
de Tours et les paysages de la Touraine reparaissent-ils à chaque
instant sous son pinceau. Tours était alors le centre du royaume; le
Roi de Bourges s’y trouvait chez lui. Comme peintre, Fouquet
descend des maîtres de Bruges; mais, en s’appropriant leur natura-
lisme, il en fait, dans cette Touraine si bien nommée le « verger de
la France », le miroir des Français du royaume. L’Italie et la
Renaissance italienne ont eu prise aussi sur sa manière de voir. Si
les lourdes coiffures et les manteaux fourrés de nombre de ses figures
témoignent de l’art flamand acclimaté en Bourgogne d’abord, puis
en France et dans une partie de l'Occident civilisé, c’est à Rome, à
la Toscane et à l’Ombrie, qu’il a emprunté ses portiques, ses pilas-
tres fleuris, ses rinceaux, ses dômes et scs théories d’anges.
Des œuvres de la jeunesse de Jean Fouquet, on ne sait rien
i. Léon de Laborde, de Bastard, de Montaiglon, Vallet de Viriville, MM. It.
Bouchot,P. Durrieu, André Michel, etc., lui ont tour à tour consacré leur érudition.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
années après cette étonnante acquisition, M. Georges Brentano,
toujours servi par la fortune, trouvait, à Bâle encore, le por-
trait d’Etienne Chevalier, peint à l’huile, sur bois, de grandeur
naturelle, accompagné de son patron saint Etienne. Ce panneau
provenait d’un diptyque, dont l’autre volet, consacré à la Vierge et
à l’Enfant Jésus, est maintenant au Musée d’Anvers... En 1891,
Monsieur le duc d’Aumale a fait entrer dans sa galerie de tableaux
les quarante miniatures du fameux livre d’Heures ; il a ainsi rendu à la
France une des œuvres capitales de notre peinture nationale. Peut-
être un jour le portrait d’Étienne Chevalier nous reviendra-t-il
aussi? Souhaitons-le. M. Burncy vient d’en exécuter une gravure dans
laquelle il a mis autant de talent que d’intelligence ; c’est cette
gravure que la Gazette des Beaux-Arts offre à ses lecteurs aujour-
d'hui... Avant de décrire le portrait, rappelons ce qu’on sait de Jean
Fouquet et ce que fut Etienne Chevalier.
I
Jean Fouquet n’a pas d’histoire, ce qui n’cmpcche pas qu’on ait
beaucoup écrit sur lui1 ; ce qui reste de ses œuvres forme, d’ailleurs,
le monument le plus important de la peinture française au xvc siècle.
La date de sa naissance est inconnue; chacun peut choisir celle qui
lui convient entre 1410 et 1423. Il était tourangeau, aussi la ville
de Tours et les paysages de la Touraine reparaissent-ils à chaque
instant sous son pinceau. Tours était alors le centre du royaume; le
Roi de Bourges s’y trouvait chez lui. Comme peintre, Fouquet
descend des maîtres de Bruges; mais, en s’appropriant leur natura-
lisme, il en fait, dans cette Touraine si bien nommée le « verger de
la France », le miroir des Français du royaume. L’Italie et la
Renaissance italienne ont eu prise aussi sur sa manière de voir. Si
les lourdes coiffures et les manteaux fourrés de nombre de ses figures
témoignent de l’art flamand acclimaté en Bourgogne d’abord, puis
en France et dans une partie de l'Occident civilisé, c’est à Rome, à
la Toscane et à l’Ombrie, qu’il a emprunté ses portiques, ses pilas-
tres fleuris, ses rinceaux, ses dômes et scs théories d’anges.
Des œuvres de la jeunesse de Jean Fouquet, on ne sait rien
i. Léon de Laborde, de Bastard, de Montaiglon, Vallet de Viriville, MM. It.
Bouchot,P. Durrieu, André Michel, etc., lui ont tour à tour consacré leur érudition.