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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
tienne, à robe vieux rose, se dissimule un peu derrière son éventail,
et les propos d’un galant, derrière elle, paraissent lui compléter le
plaisir du spectacle, au mieux de sa coquetterie. La gauche repré-
sente, en robe jaune, une autre vénitienne, mais celle-là tout à la
satisfaction de voir et se penchant à la balustrade; un pas près d'elle,
un homme à la barbe grisonne, et dont le modelé de tête est l’un des
meilleurs dessins de Tiepolo, sans aucun doute un portrait.
Cette fresque, d’un rétrospectif si souriant et personnel, avait eu
déjà deux antécédents dans la série commençante des ouvrages de
VTiepolo. Une première fois, lors de scs travaux de tout débuta Udine,
pour le patriarche Daniel Delfino, il avait reçu commande du municipc
d’une peinture d’histoire locale : Conseil tenu dans l’arène de Malte,
le grand-maître et le chapitre de l'Ordre décidant de recevoir la noblesse
d'Udine. Ce tableau, maintenant au musée d’Udine, a l'aspect animé
et la facture toute de franchise. C’est merveille d’y voir la jeune fan-
taisie de Tiepolo traiter son premier sujet seizième siècle avec une
aisance sereine, dont les scrupules do costumes, à cent ans près,
n’embarrassent pas sa libre brosse. Plus tard, les Soderini lui com-
mandaient pour leur palazzo de Narvesa, dans le Trévisan, plusieurs
fresques, dont une à sujet de famille, Y Entrée à Florence de Tomaso
Soderini, l'an 150$. Cette composition, demeurée intacte et toute
fraîche encore, est d’une saveur magistrale. On y est frappé de
l’expressive beauté de tète de Soderini, mais cela n’a nulle raison
d’étonner, car les débuts variés de Giambattista en avaient fait un
portraitiste à plusieurs occasions : le portrait du doge Cornaro sur-
tout restait une précieuse marque de ces essais physionomiques.
Le plafond à fresque de la salle Henri III, complétant la déco-
ration de Tiepolo au palazzo Contarini, a été transporté sur toile et
marouflé dans la salle à manger de l’hôtel Edouard André. C’est un
vaste rectangle tout aérien. Penchés à une balustrade faisant pour-
tour et dont le premier exemple vient de Mantègne, des vénitiens
et vénitiennes regardent, en bas à travers l’atmosphère, l’entrée du
roi dont la Renommée sonore et trois amours, l’un porteur des
deux couronnes de France et de Pologne, l’autre du collier de séna-
teur, le troisième de la corne d’abondance, annoncent à tire d’ailes
joyeuses la présence céans. L’œil détaille ces personnages avec une
curiosité ravie. À un angle, une femme, costume orange, sous un
parasol vert, puis des hommes à hauts chapeaux, des hallebardicrs,
et jusqu’à un singe; d’un autre côté, toute une file de femmes,
retenant des enfants prêts à vouloir choir pour approcher le roi.
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tienne, à robe vieux rose, se dissimule un peu derrière son éventail,
et les propos d’un galant, derrière elle, paraissent lui compléter le
plaisir du spectacle, au mieux de sa coquetterie. La gauche repré-
sente, en robe jaune, une autre vénitienne, mais celle-là tout à la
satisfaction de voir et se penchant à la balustrade; un pas près d'elle,
un homme à la barbe grisonne, et dont le modelé de tête est l’un des
meilleurs dessins de Tiepolo, sans aucun doute un portrait.
Cette fresque, d’un rétrospectif si souriant et personnel, avait eu
déjà deux antécédents dans la série commençante des ouvrages de
VTiepolo. Une première fois, lors de scs travaux de tout débuta Udine,
pour le patriarche Daniel Delfino, il avait reçu commande du municipc
d’une peinture d’histoire locale : Conseil tenu dans l’arène de Malte,
le grand-maître et le chapitre de l'Ordre décidant de recevoir la noblesse
d'Udine. Ce tableau, maintenant au musée d’Udine, a l'aspect animé
et la facture toute de franchise. C’est merveille d’y voir la jeune fan-
taisie de Tiepolo traiter son premier sujet seizième siècle avec une
aisance sereine, dont les scrupules do costumes, à cent ans près,
n’embarrassent pas sa libre brosse. Plus tard, les Soderini lui com-
mandaient pour leur palazzo de Narvesa, dans le Trévisan, plusieurs
fresques, dont une à sujet de famille, Y Entrée à Florence de Tomaso
Soderini, l'an 150$. Cette composition, demeurée intacte et toute
fraîche encore, est d’une saveur magistrale. On y est frappé de
l’expressive beauté de tète de Soderini, mais cela n’a nulle raison
d’étonner, car les débuts variés de Giambattista en avaient fait un
portraitiste à plusieurs occasions : le portrait du doge Cornaro sur-
tout restait une précieuse marque de ces essais physionomiques.
Le plafond à fresque de la salle Henri III, complétant la déco-
ration de Tiepolo au palazzo Contarini, a été transporté sur toile et
marouflé dans la salle à manger de l’hôtel Edouard André. C’est un
vaste rectangle tout aérien. Penchés à une balustrade faisant pour-
tour et dont le premier exemple vient de Mantègne, des vénitiens
et vénitiennes regardent, en bas à travers l’atmosphère, l’entrée du
roi dont la Renommée sonore et trois amours, l’un porteur des
deux couronnes de France et de Pologne, l’autre du collier de séna-
teur, le troisième de la corne d’abondance, annoncent à tire d’ailes
joyeuses la présence céans. L’œil détaille ces personnages avec une
curiosité ravie. À un angle, une femme, costume orange, sous un
parasol vert, puis des hommes à hauts chapeaux, des hallebardicrs,
et jusqu’à un singe; d’un autre côté, toute une file de femmes,
retenant des enfants prêts à vouloir choir pour approcher le roi.