GAZETTE DES BEAUX-ARTS
loi
d’un incomparable éclat, dépassent môme de beaucoup celles de Barye,
toujours un peu timide et gêné quand il n’a plus l’ébauchoir en main.
Dans une note différente, plus mesurée et plus fine, et en s’atta-
quant généralement à d’autres sujets, Bonington avant lui était déjà
sorti de pair. Cet Anglais, que nous nous sommes habitués à croire un
des nôtres, dans sa vie malheureusement trop courte, a eu des allures
de Prince Charmant, auquel tout est facile et qui transforme tout ce
qu’il touche en or. Déjà exquis comme aquarelliste et comme peintre,
il fait ses débuts de lithographe en 1824, dans le volumineux recueil
de Nodier et Taylor, et, sans effort ni peine apparente, s’aidant tout
au plus de quelques trouvailles déjà faites par Isabey père, s'impro-
vise maître incontesté du genre, devient un modèle et un guide pour
ceux qui essaieront après lui de la lithographie d’architecture pitto-
resque. La Rue du Gros-Horloge, à Rouen, que nous reproduisons, si
pleine de lumière blonde et délicate, si enveloppée d’air, est un
échantillon parfait de sa manière. En de trop rares occasions, sui-
vant en cela le goût général d’un temps où l’on idolâtrait Walter
Scott, il prit plaisir aussi à faire revivre les époques disparues et le
lit presque toujours avec un tact, une conscience, une justesse qui
tiennent de la divination. Près de lui et de Delacroix seraient à
mettre aussi les rénovateurs de la vignette, les Devéria, les
Johannot, les Nanteuil et d’autres, qui surent parfois, même d’un
en-tête de livre ou d’un titre de romance, faire un bijou d’arran-
gement ingénieux et pittoresque.
Deux charmants humoristes, deux observateurs spirituels et
avisés de la vie contemporaine, Lami et Monnier, ont, sans qu’il y
paraisse, joué également leur rôle de précurseurs, et orienté la scène
de mœurs, l’un par son élégance, l’autre par scs charges de rapin,
vers l’art d’un Gavarni. Si différents qu’ils soient de nature et
d’esprit, on peut les joindre : car ils furent amis, s’étant connus
peut-être dans l’atelier de Gros, et en certains cas se ressemblent,
non seulement par le procédé employé — la lithographie à la plume,
relevée d’un adroit coloriage à la main, qui lui donne le plus sou-
vent un aspect limpide et frais d’aquarelle — mais encore par la
façon de s’en servir et les sujets auxquels ils l’appliquent. Le plus
habile, le plus franchement artiste des deux, évidemment guida
l’autre, et c’est Lami qui dut prendre aussi l’initiative de ce Voyage
à Londres, publié en commun, leur œuvre la plus exquise à tous
deux, dont on regrette que l’exposition ne nous ait montré aucune
pièce. 11 avait débuté, d’ailleurs, des premiers dans le genre, comme
loi
d’un incomparable éclat, dépassent môme de beaucoup celles de Barye,
toujours un peu timide et gêné quand il n’a plus l’ébauchoir en main.
Dans une note différente, plus mesurée et plus fine, et en s’atta-
quant généralement à d’autres sujets, Bonington avant lui était déjà
sorti de pair. Cet Anglais, que nous nous sommes habitués à croire un
des nôtres, dans sa vie malheureusement trop courte, a eu des allures
de Prince Charmant, auquel tout est facile et qui transforme tout ce
qu’il touche en or. Déjà exquis comme aquarelliste et comme peintre,
il fait ses débuts de lithographe en 1824, dans le volumineux recueil
de Nodier et Taylor, et, sans effort ni peine apparente, s’aidant tout
au plus de quelques trouvailles déjà faites par Isabey père, s'impro-
vise maître incontesté du genre, devient un modèle et un guide pour
ceux qui essaieront après lui de la lithographie d’architecture pitto-
resque. La Rue du Gros-Horloge, à Rouen, que nous reproduisons, si
pleine de lumière blonde et délicate, si enveloppée d’air, est un
échantillon parfait de sa manière. En de trop rares occasions, sui-
vant en cela le goût général d’un temps où l’on idolâtrait Walter
Scott, il prit plaisir aussi à faire revivre les époques disparues et le
lit presque toujours avec un tact, une conscience, une justesse qui
tiennent de la divination. Près de lui et de Delacroix seraient à
mettre aussi les rénovateurs de la vignette, les Devéria, les
Johannot, les Nanteuil et d’autres, qui surent parfois, même d’un
en-tête de livre ou d’un titre de romance, faire un bijou d’arran-
gement ingénieux et pittoresque.
Deux charmants humoristes, deux observateurs spirituels et
avisés de la vie contemporaine, Lami et Monnier, ont, sans qu’il y
paraisse, joué également leur rôle de précurseurs, et orienté la scène
de mœurs, l’un par son élégance, l’autre par scs charges de rapin,
vers l’art d’un Gavarni. Si différents qu’ils soient de nature et
d’esprit, on peut les joindre : car ils furent amis, s’étant connus
peut-être dans l’atelier de Gros, et en certains cas se ressemblent,
non seulement par le procédé employé — la lithographie à la plume,
relevée d’un adroit coloriage à la main, qui lui donne le plus sou-
vent un aspect limpide et frais d’aquarelle — mais encore par la
façon de s’en servir et les sujets auxquels ils l’appliquent. Le plus
habile, le plus franchement artiste des deux, évidemment guida
l’autre, et c’est Lami qui dut prendre aussi l’initiative de ce Voyage
à Londres, publié en commun, leur œuvre la plus exquise à tous
deux, dont on regrette que l’exposition ne nous ait montré aucune
pièce. 11 avait débuté, d’ailleurs, des premiers dans le genre, comme