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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
commun, si l’on s’en tient au mécanisme de la danse, est constitué
par des mouvements dont la forme est déterminée.
Les danseurs antiques et les danseurs modernes ne diffèrent donc
point par l’activité gymnastique: les lois qui président au jeu de
l’organisme n’ont pas changé depuis deux mille ans. Les danseurs
antiques et les danseurs modernes, peu semblables sans doute, si l’on
considère les qualités expressives de leur art respectif, doivent être
comparables de tous points dans leurs mouvements élémentaires,
dans la mise en action de leurs muscles.
Assurément, ce ne serait pas connaître à fond l’orchestique
grecque que de démêler les formes de son mécanisme. Même, après ce
qui vient d’être dit sur l’universalité des moyens gymnastiques em-
ployés par les danseurs, il semble qu'il soit tout à fait inutile d’appli-
quer ses efforts à l’étude des mouvements pratiqués par les anciens :
s'il est vrai qu'ils ne diffèrent pas sensiblement de ceux que nos
artistes emploient et que la ressemblance soit inévitable, on pourrai!
se contenter de cette affirmation a priori, sauter par-dessus la gymnas-
tique de la danse grecque et chercher immédiatement à pénétrer dans
le domaine de sa mimétique. L’orchestique grecque, en effet, est avant
tout expressive; c’est un langage fait de signes compliqués dont les
yeux des spectateurs perçoivent vite le sens, car la poésie et la
musique viennent en aide à leur sœur. Elles ajoutent à son imita-
tion la force de leurs propres moyens imitatifs, et Platon considère
que la chorée *, où cette association des trois arts est complète, est le
plus admirable et le plus utile des plaisirs que les dieux aient ensei-
gnés aux hommes.
C’est cependant à l’étude presque exclusive des mouvements
élémentaires de 1 orchestiquc que je me suis borné, dans un ouvrage
publié récemment. Son titre2 serait ambitieux, si le sous-titre ne le
commentait en le limitant. Je me suis servi des seuls monuments
figurés, pour retrouver les traces de la gymnastique pratiquée par les
danseurs grecs. Il m’a paru intéressant d’apporter la preuve directe
qu'ils ont usé des mêmes mouvements que nos danseurs. J'avais
ainsi l’occasion de montrer, dans un domaine spécial, l’habileté
remarquable dont les artistes de la Grèce ont fait preuve, en tradui-
1. La chorée, c’est l’art des chœurs, en tant qu’ils expriment les plus nobles
pensées, par le moyen des plus beaux rythmes, des plus belles paroles, des plus
beaux mouvements.
2. La Danse grecque antique, d’après les monuments figurés (Hachette et G'°, 1800).
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commun, si l’on s’en tient au mécanisme de la danse, est constitué
par des mouvements dont la forme est déterminée.
Les danseurs antiques et les danseurs modernes ne diffèrent donc
point par l’activité gymnastique: les lois qui président au jeu de
l’organisme n’ont pas changé depuis deux mille ans. Les danseurs
antiques et les danseurs modernes, peu semblables sans doute, si l’on
considère les qualités expressives de leur art respectif, doivent être
comparables de tous points dans leurs mouvements élémentaires,
dans la mise en action de leurs muscles.
Assurément, ce ne serait pas connaître à fond l’orchestique
grecque que de démêler les formes de son mécanisme. Même, après ce
qui vient d’être dit sur l’universalité des moyens gymnastiques em-
ployés par les danseurs, il semble qu'il soit tout à fait inutile d’appli-
quer ses efforts à l’étude des mouvements pratiqués par les anciens :
s'il est vrai qu'ils ne diffèrent pas sensiblement de ceux que nos
artistes emploient et que la ressemblance soit inévitable, on pourrai!
se contenter de cette affirmation a priori, sauter par-dessus la gymnas-
tique de la danse grecque et chercher immédiatement à pénétrer dans
le domaine de sa mimétique. L’orchestique grecque, en effet, est avant
tout expressive; c’est un langage fait de signes compliqués dont les
yeux des spectateurs perçoivent vite le sens, car la poésie et la
musique viennent en aide à leur sœur. Elles ajoutent à son imita-
tion la force de leurs propres moyens imitatifs, et Platon considère
que la chorée *, où cette association des trois arts est complète, est le
plus admirable et le plus utile des plaisirs que les dieux aient ensei-
gnés aux hommes.
C’est cependant à l’étude presque exclusive des mouvements
élémentaires de 1 orchestiquc que je me suis borné, dans un ouvrage
publié récemment. Son titre2 serait ambitieux, si le sous-titre ne le
commentait en le limitant. Je me suis servi des seuls monuments
figurés, pour retrouver les traces de la gymnastique pratiquée par les
danseurs grecs. Il m’a paru intéressant d’apporter la preuve directe
qu'ils ont usé des mêmes mouvements que nos danseurs. J'avais
ainsi l’occasion de montrer, dans un domaine spécial, l’habileté
remarquable dont les artistes de la Grèce ont fait preuve, en tradui-
1. La chorée, c’est l’art des chœurs, en tant qu’ils expriment les plus nobles
pensées, par le moyen des plus beaux rythmes, des plus belles paroles, des plus
beaux mouvements.
2. La Danse grecque antique, d’après les monuments figurés (Hachette et G'°, 1800).