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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 15.1896

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Nr. 6
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Adam, Paul: Les Salons de 1896, [1], La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24681#0491

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

la science de l’amour. Avec un modèle excellemment choisi pour
exprimer cette surprise de la volupté nouvelle ne trouvant rien en
soi de pareil à ce que les ancêtres annoncèrent de joyeux, de senti-
mental ou de passionné, M. Faiguière réalisa une pièce d’art, où
s’indique merveilleusement l’état de cœur des générations qui s’é-
veillent à une autre conception du bonheur. Entre les œuvres de cet
artiste, la Danseuse comptera plus éternellement, pour avoir signifié
la date d’une évolution morale.

Hiéroglyphe animé du mouvement qui mène la vie du monde,
la danseuse, si elle interprète la pensée d’un musicien, évoque à la
fois, par son essor, les tourbillons originels du feu planétaire mainte-
nant solidifié à la surface et le suprême excès de l’évolution intelli-
gente mise en art. Femme, la ballerine est aussi l’amour, l’attraction,
la maternité qui perpétue, le sens de l’indéfini. Le geste de son corps
contient le symbole de la plus vaste harmonie, celle de la transforma-
tion planétaire, depuis l’heure du pur mouvement igné, jusqu'à
l’apparition de la mentalité humaine la plus neuve. Quant à l’exemple
de M. Falguière, l’homme sait, par le maniement d’un outil d’esthé-
tique, inscrire sur ce signe l’empreinte du moment de vie, il accom-
plit la meilleure synthèse d’idées dont l’esprit semble capable.

De telles raisons portent à chérir la mignonne statuette où
M. Rivière Théodore fixa, dans l’ivoire, les traits de la Loïc Fuller, et,
dans la transparence d’un marbre émacié, les voiles que cette dan-
seuse américaine inventa de prolonger avec des ailes d’étoffes
légères.

On obtient des résultats plastiques, en adaptant à la même
forme des matières différentes. Le visage de la danseuse est d'ivoire,
comme la chevelure roussie par le procédé d’une patine. Les
étoffes, au contraire, sont; d'un marbre rosé. Ses transparences et
ses opacités aident à faire paraître les flottements des gazes, à indi-
quer le point où la main experte de la ballerine étend au plus loin le
tissu, où elle le gonfle de vent, où elle l’applique contre la courbe de
son corps, où elle laisse les plis rigides obscurcir la forme. Grâce à
cette façon de traiter le marbre, M. Rivière Théodore donne avec de
l’immobile la sensation d’une mobilité. Le pied d’ivoire se détache
du socle. Une tête sourit, enivrée du mouvement qui bat l’espace.
On la voit qui part. Les étoffes se plaquent contre son corps et
claquent au bout de ses bras. Le vent creuse ces gazes. Elle devient
l'hélice qui, dans l’air, se visse et va diminuer à vue d’œil.

C’est un chef-d’œuvre très près de la perfection que cet élan de
 
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