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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 15.1896

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Nr. 6
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Bénédite, Georges Aaron: Une statuette de Reine de la dynastie Bubastite au Musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24681#0507

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

grands hiéroglyphes, tracés avec une harmonieuse élégance, une
merveilleuse entente du style, il faut bien en convenir, mais ayant,
à leur façon, un caractère presque aussi abstrait qu’un profil d’archi-
tecture.

Dans quelle catégorie ranger la statuette de Karomama? Avons-
nous affaire à une véritable œuvre d’art, dans le sens moderne du
mot, c’est-à-dire impliquant l’effort personnel de l’exécutant pour
s’affranchir de la tyrannie du genre, une œuvre portant en elle sa
signification, existant par elle-même, ou bien à un bel objet, sans
doute admirablement soigné au point de vue industriel, mais repro-
duisant avec une désespérante fidélité l’un de ces nombreux types
créés depuis des milliers d’années, comme l’armée de petits bronzes
funéraires ou religieux qui forme le fonds immuable de toutes les
collections ? Eh bien ! nous n’hésitons pas, et nous pensons que personne
n’hésitera à admirer en Karomama l'une des œuvres qui porteraient à
bon droit, si ç’avaitété la coutume en Egypte, une signature d’artiste.
Hiératique, elle l’est à un haut degré, par la pose (attitude conven-
tionnelle de la présentation des sistres) et par le costume essentielle-
ment emblématique. Mais là, précisément, n’est pas l’œuvre. Sa valeur
réside tout entière dans le sentiment véritablement exquis avec lequel
l’artiste, malgré certaines contraintes imposées par la nature même
du sujet, a su exprimer, sous un costume d’apparat et dans une atti-
tude canonique, le charme, la grâce naïve, la jeunesse de cette reine
qui, sous son déguisement, reste bien, comme la Toui du Louvre,
comme la fausse Tii de l’ancien Musée de Boulaq, la sœur de ces élé-
gantes et gracieuses musiciennes des peintures de Cheikh Abd el
Gournah L

Une règle assez constante en Égypte voulait que la richesse
et le prix de la matière vinssent contribuer à l’embellissement de
1 œuvre, en exalter le caractère artistique, en souligner la significa-
tion. Une belle statue en une matière réputée vile eût passé, aux yeux
des Egyptiens, pour un véritable contre-sens, d’autant que, les qua-
lités d’exécution constituant la seule mesure du mérite artistique
dans tous les genres, il importait d’abord que la matière fût digne
de l’effort, qu’elle en accrût ensuite le prix par la difficulté vaincue.
De là la prédilection de ce peuple pour l’architecture et la sculpture
colossales, pour la taille, la gravure et le polissage des pierres dures,
pour les applications les plus délicates, les plus ingénieuses et les

1. Nom moderne de la nécropole de Thèbes.
 
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