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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 4
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Ritter, William: Giovanni Segantini
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0323
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

simplifier, d'une part ; d’autre part, impossibilité absolue, même en
clignant les yeux jusqu’à se donner une vision de myope, de voir
simple. Segantini, lui, est arrivé du premier coup à ceci : une facture
telle que, même s’il simplifie, il n’aura pas l’air de le faire ; l’appa-
rence sera toujours celle d’un conglomérat, l’impression celle d’une
extrême complication, d’un extraordinaire enchevêtrement. Sa
touche même donne l’illusion du détail : on dirait d’un bois plein
de linéaments, de tiges faites d’autant de fibrilles que le chanvre.
1/artiste déroulera, au fond de ses tableaux, des panoramas entiers,
qui, à la distance voulue, paraissent d’un seul ton; en réalité, grâce
à son hachis de linéaments, — qui, vu de près, décompose le ton par
dessus le marché, — la structure de la montagne, rocheuse ou boi-
sée, l’ossature montagneuse elle-même seront toujours sensibles,
quelle que soit l’imité simplifiée de la surface entière, l’apparente
monochromie, s'il le faut, de toute la masse, quelles que soient
même les brumes qui peuvent éventuellement voiler la silhouette
montagneuse.

Second point critique : les peintres d’Alpes se sont efforcés
jusqu’ici de composer, sauf, et sur le tard seulement, celui qui a
atteint avant Segantini aux plus étonnants résultats, feu Auguste-
Henry Berthoud. Celui-ci, de guerre lasse, finit par transporter sur
la toile un morceau d’Alpe tout brut, semblant dire, selon M. Léo
Bachelin, qui jadis s’est beaucoup occupé de la peinture suisse :
« Voyez-vous, l’Alpe est si grande que, pour vous en donner une idée,
je ne puis que vous en servir une tranche au hasard. » Berthoud
n’avait pas tout à fait raison, ni les peintres qui s’efforcent de com-
poser dans l’Alpe, en procédant comme ils ont fait. Evidemment, il
faut composer, seulement il ne faut pas composer comme dans la
plaine. C’est là tout; c’est le doigt mis sur la plaie. Car ces messieurs,
qui s’évertuaient à simplifier à deux mille mètres d’altitude ainsi
qu’en présence d’un paysage de Normandie situé presque au niveau
de la mer, prétendent composer dans la débâcle d’un millier de lignes
en n’en donnant que quelques-unes, souvent arbitrairement choisies,
c’est-à-dire exactement comme ils composeraient en présence de deux
simples horizontales dramatisées par une petite verticale, comme,
par exemple, une berge de fleuve avec un bouquet d’arbres. Segan-
tini, lui, toujours du premier coup, en homme ayant vécu toute sa
vie au milieu de ses modèles et ayant eu conscience du rôle écrasant
que joue cette formidable nature alpestre dans la vie de l’homme, du
bétail et de la plante, est arrivé à ceci : il compose tout ce qui a vie,
 
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