GIOVANNI SEGANTINI
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tout ce qui s’agite à ses premiers plans ; il composera parfois même
ce premier plan, mais il ne compose jamais ses fonds de paysages ; il
en coupe toute une bande au hasard, car partout l’Alpe est belle, et
la place telle quelle dans son tableau. Il faut que le chaos soit toujours
là, présent, ceignant toute la scène de promesses, de menaces, d'hos-
tilité ou d’indifférence, mais toujours d’une grandeur écrasante, soit
qu’il développe en longueur ses kilomètres de chaînes abruptes, en
profondeur un océan de vagues rocheuses, en hauteur de plafonnants
ÉTUDE POU K L’AVE MARIA, PAR M. SEGAKTIXI
dévers dont l'imminence oppresse et coupe la respiration, comme elle
coupe en haut une large portion du ciel. Les personnages ont beau
être de très grandes proportions au premier et à l’arrière-plan et les
Alpes plus petites qu’eux, on ne perd jamais la sensation de solitude
des hommes et des bêtes, la sensation de leur petitesse et de l’immen-
sité des montagnes. Quels que soient leur plan, leur place, leur rôle,
directement ou indirectement, elles sont toujours le vrai motif de
chaque tableau, de même que, dans un tableau de marine, y eût-il
toute une flotille, c’est toujours la mer le vrai sujet, l’élément actif.
On la subit, on ne la domine pas. Trop hères, elles aussi, les Alpes,
là où elles figurent, ne s’accommodent jamais d’un rôle secondaire
ni d’un rôle à la cantonade.
Dernier point délicat : les peintres des Alpes ont souvent cherché
à rendre l’Alpe soit aimable, soit terrible. L’Alpe ne souffre pas non
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tout ce qui s’agite à ses premiers plans ; il composera parfois même
ce premier plan, mais il ne compose jamais ses fonds de paysages ; il
en coupe toute une bande au hasard, car partout l’Alpe est belle, et
la place telle quelle dans son tableau. Il faut que le chaos soit toujours
là, présent, ceignant toute la scène de promesses, de menaces, d'hos-
tilité ou d’indifférence, mais toujours d’une grandeur écrasante, soit
qu’il développe en longueur ses kilomètres de chaînes abruptes, en
profondeur un océan de vagues rocheuses, en hauteur de plafonnants
ÉTUDE POU K L’AVE MARIA, PAR M. SEGAKTIXI
dévers dont l'imminence oppresse et coupe la respiration, comme elle
coupe en haut une large portion du ciel. Les personnages ont beau
être de très grandes proportions au premier et à l’arrière-plan et les
Alpes plus petites qu’eux, on ne perd jamais la sensation de solitude
des hommes et des bêtes, la sensation de leur petitesse et de l’immen-
sité des montagnes. Quels que soient leur plan, leur place, leur rôle,
directement ou indirectement, elles sont toujours le vrai motif de
chaque tableau, de même que, dans un tableau de marine, y eût-il
toute une flotille, c’est toujours la mer le vrai sujet, l’élément actif.
On la subit, on ne la domine pas. Trop hères, elles aussi, les Alpes,
là où elles figurent, ne s’accommodent jamais d’un rôle secondaire
ni d’un rôle à la cantonade.
Dernier point délicat : les peintres des Alpes ont souvent cherché
à rendre l’Alpe soit aimable, soit terrible. L’Alpe ne souffre pas non