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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 4
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Ritter, William: Giovanni Segantini
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0325

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

plus ces recherches ; sous peine delà rapetisser ou de la ridiculiser,
on ne la peigne, ni ne l’arrange d’aucune façon, pas plus que, sauf
exception due à des circonstances atmosphériques spéciales, on ne la
compose et ne la simplifie dans les fonds par un temps normal. On
ne la fait donc ni sourire ni rager contre son gré. Evidemment, libre
à qui veut de chercher dans cette voie. Peut-être un artiste de génie
y trouvera-t-il un jour quelque chose ? Mais, pour l’heure, puisque
nous cherchons à nous rendre compte de la supériorité de Segantini
dans la peinture alpestre actuelle, il nous faut bien constater qu’il
n’en a jamais usé ainsi. Il est resté paysagiste implacablement réa-
liste, quelle que soit la fantaisie imaginative à laquelle il ait été
entraîné dans la conception et la composition de ses personnages, et
même lorsqu'il remplit les airs de formes flottantes participant des
brises du soir, des fantômes nocturnes et des ombres des nuages,
comme dans telle version des Mères dénaturées.

Enfin, la vie si tourmentée, si difficile de tout ce qui vit dans
l’Alpe, depuis celle de la touffe d’edelweiss et de gentianes et celle du
buisson de rhododendrons jusqu’à la sienne à lui, artiste, qui a voulu
toujours peindre et dessiner, même au gros de l’hiver, en pleine
nature, la vie a inspiré à Segantini des pensées et des réflexions qui
lui sont devenues une véritable obsession, une hantise de toutes les
minutes et dont il s’est soulagé par de grandes compositions allégo-
riques et symboliques, parfois assez abstruses et nécessitant un pro-
gramme entre les mains du spectateur, tout comme certaine mu-
sique, mais qui, au moins, tout extravagantes que ces œuvres puis-
sent paraître, ont gardé leur caractère de grande peinture de peintre
et non point de rêverie d’idéologue. Telles justement ces célèbres
Mères dénaturées, discutées avec acharnement dans toutes les capi-
tales de l’étranger et dont une des versions, entrée au musée de
Liverpool, fut expliquée au public en trois jours de conférences,
sans que cela parût extraordinaire, tant l’œuvre, malgré les diffi-
cultés d’interprétation, demeurait saisissante et valait un long effort
pour être pleinement entendue.

En deux mots, voici de quoi il s’agit : c’est l’éternel mythe de
la nature tour à tour mère et marâtre, donnant la vie et la mort, et
captive de son crime de mort, jusqu’à ce qu’elle l’ait expié par une
nouvelle vie. Un poème bouddhique, tombé par hasard entre les
mains de Segantini et correspondant à sa préoccupation constante, lui
fournit l’allégorie qui lui permit de réaliser son rêve. Préparées
par toute une série de conceptions telles que Les Anges de la vie,
 
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