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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 24.1900

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Nr. 1
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Geffroy, Gustave: Promenade à l'exposition
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https://doi.org/10.11588/diglit.24721#0029

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PROMENADE A L’EXPOSITION

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rées de l’Exposition n’avive que certains espaces, laisse sa part à la
nuit. Les noctambules qui sè satisfont de la clarté lunaire et du
clignotement des étoiles trouvent leur domaine à parcourir ici
comme ailleurs. Il est des ruelles tranquilles, des avenues de pro-
menade, des clairières à peine lactées de lueurs, où l’œil peut errer
sans fatigue, où la marche peut s’attarder en rêvasserie. La foule est
plus lente, le bruit des voix s'affine en rumeur, dans les allées de
calme jardin tracées au travers de la ville tumultueuse. C’est de
là qu’il est délicieux d'entendre les phrases entrecoupées de quelque
musique, une nerveuse clameur de mélodie, un cri, un sanglot ou
un rire, une vague plainte rythmée qui se précise ou s’évapore capri-
cieusement à travers le silence de la lumière

VI

C’est le commencement de la féerie nocturne. Voici, avec la
nuit, son achèvement dans une apothéose d’une douceur inoubliable.
Si l’on demande, finalement, aux promeneurs de l’Exposition, quel
spectacle a réjoui davantage leurs yeux, il est probable que presque
tous désigneront l’aspect de la Seine illuminée. Pour l’imprévu
de l’effet, pour le charme somptueux et mystérieux de la couleur,
rien ne peut être comparé à la triomphante apparition de la lumière
sur l’eau. L’éclat du soleil a sa beauté et son mystère. Le soleil
allume toutes les surfaces, fait brûler les nuances dans un brasier,
force toutes choses à une flambaison générale dans la chaleur de
l’air. Et cet air surchauffé peut devenir une vapeur neutre, dans
laquelle les objets perdent leur véritable signification colorée : la
lumière du jour absorbe tout, enveloppe tout d’une brume transpa-
rente et tremblante.

La lumière artificielle créée dans la nuit fait chatoyer et étin-
celer différemment ce qui l’environne. Les ombres prennent une
profondeur et une douceur infinies, les clartés d’une blancheur ver-
dâtre ont la magie lointaine des clairs de lune. Tout ce qui est
proche, tout ce qui est pénétré de flamme, vit d’un éclat exalté, les
architectures, les feuillages, les vêtements et les parures des femmes,
les visages, les chevelures, les yeux. Tout reflet devient à son tour
un foyer, où la flamme se multiplie, se réjouit, danse en agitée,
court en feu follet. L’eau, surtout, accepte merveilleusement cette
approche lumineuse du feu : son élasticité, ses courants et ses remous
propagent par mouvements incessants les égrenements de perles,
 
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