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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 24.1900

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Nr. 1
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Rais, Jules: Le Salon de 1900, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24721#0072

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60

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Faute d’un pensionnaire de Rome, M. Moulin; môme, un décor
pompéien s’y mêle par surcroît. Mais, si complexe ou touffue qu’en
soit l’inspiration, cette œuvre est remarquable par l’intelligence
dramatique et décorative, l’agrément de jeunesse, l’énergie colorée
qui s’y déploient. L’atmosphère, dans la partie centrale, est blonde
et fauve. Le démon mi-éphèbe et mi-serpent enroulé au tronc mys-
tique tend le fruit à l’homme, tandis qu’Eve, dans un geste de fré-
nésie et de pudeur, se précipite. Aux volets se tordent les chairs
désunies dans le plein air lugubre de la forêt verte ; et le cadavre
d’Abel, enveloppé d’un linceul d’ombres et de reflets, est étendu sous
le groupe des premiers amants, comme la malédiction prédestinée
de la terre.

Le triptyque de M. Lévôque se rattache à ce cycle d’allégories
que le moyen âge mit en faveur et qu’on désigne sous le nom de
Danses des morts. 11 s’en distingue par un symbolisme naturel tout à
fait indépendant des conceptions théologales du fresquiste siennois
du cimetière de Pise et de la moralité démocratique des Simulachres
d’IIolbein. La faux n’y est pas un attribut de la mort, mais l’outil de la
« moisson humaine » : l'instinct pubère des petites sauvagesses roses,
dorées et rousses aux yeux mauves, dansant dans le fleurissement et
rose, et doré, et mauve des églanlines, des genêts, des lilas et des
glycines; les amants et la maternité radieuse dans l'été fécond ;
l’éphèbe mort, épi cassé; la famille jetée en javelle dans le sillon ;
les grappes des corps tombant au « renouveau » enguirlandées de
fruits plus mûrs, de corolles mieux épanouies: voilà par quel réalisme
champêtre se renouvelle cette représentation moderne du Triomphe
de la Mort. Des ressouvenirs de Rubens (du Jugement dernier de
Munich dans la Chute au néant), une évidente parenté avec M. Fré-
déric, la situent pour ainsi dire dans la race ; le singulier con-
traste des chairs éclatantes à la manière de Renoir et de Gauguin,
et de la brutalité héroïque des gravures de Dürer dans un dessin
noir à peine rehaussé et comme taillé dans le bois, achève de
donner à cette peinture un intérêt ethnique et historique.

Parmi les artistes qui figurent le travail, M. Wéry est peut-être
le seul qui se plaise aux visions sentimentales. Aussi bien la Famille
est-elle moins le poème des gestes féconds que, dans l’atmosphère
ensoleillée et vaporeuse, dans la double vie des canaux et de la
ville (Amsterdam), des maisons et des bateaux, l’hymne du
foyer, du labeur, de l’air, de l’eau épanouis1. Il semble bien que

I. V. la gravure de ce tableau, Gazette des Beaux-Arts, 3«pér., t. XXIII, p. 355.
 
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