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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 24.1900

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Nr. 2
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Guiffrey, Jules: Les tapisseries à l'exposition rétrospective et à l'exposition contemporaine, 1: les arts à l'Exposition Universelle de 1900
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https://doi.org/10.11588/diglit.24721#0103

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LES TAPISSERIES A L’EXPOSITION UNIVERSELLE 91

quelque sorte l’esquisse. Ce modèle ou carton se fait en général, on
le sait par des textes précis, sur de grands draps de toile, où les
peintres tracent le trait des figures, rehaussé ensuite de couleurs à
l'eau. Les opérations préparatoires passaient alors exactement par
les mêmes phases qu’aujourd’hui. Ces toiles peintes ou ces cartons
sont livrés au tapissier, chargé de les traduire sur le métier.

J’ai pu établir, au moyen des comptes du xiv° siècle, que
Y Apocalypse d’Angers avait été exécutée presque entièrement dans
l’atelier d’un artisan parisien, nommé Nicolas Bataille. Cet habile
homme jouissait d’une immense réputation; il a travaillé pour la
plupart des grands personnages de la cour de France.

Ces détails historiques une fois établis, l’œuvre est des plus
intéresssantes à étudier. Sans insister sur les imperfections du dessin
et sur la déformation des traits, qui tient un peu à la vieillesse du
tissu, on est frappé tout d’abord de la franchise de l’exécution. Peu
de couleurs ; les bleus et les rouges dominent, avec des traits foncés
pour accentuer les contours ; c’est le procédé du vitrail.

Aux premiers panneaux, les figures s’enlèvent sur un fond
monochrome, alternativement bleu et rouge ; on cherchera un peu
plus tard à enrichir ce ton plat d'un semis de fleurettes, d’un guil-
lochis d’ornements symétriques, et on aura ainsi les admirables
fonds de la Dame à la Licorne. Ce procédé a donc persisté jusqu’à
la Renaissance, et, il faut bien le reconnaître, nos vieux artisans
avaient trouvé du premier coup le meilleur moyen de faire valoir
leurs compositions décoratives.

Quand l’exécution deviendra plus compliquée, comme dans
les scènes de Y Histoire de Clovis, de la cathédrale de Reims, ou dans
ce Bal de sauvages au xve siècle, provenant de Saumur, récemment
réparé par la manufacture des Gobelins, les tapissiers auront bientôt
découvert les meilleurs procédés pour donner aux figures le relief
voulu. Un très petit nombre de tons, trois au plus, leur suffiront, au
moyen de hachures d’égale épaisseur, diversement espacées, pour
ménager la transition de l’ombre à la plus grande lumière. Ces
habiles artisans du moyen âge sont en possession, dès le commen-
cement du xvie siècle, des véritables lois de l’art textile, et ils sau-
ront s’en servir avec une merveilleuse maîtrise. Qu’on leur fournisse
des modèles accomplis, et ils arriveront du premier coup, sans
changer de technique, à réaliser ces admirables chefs-d’œuvre que
nous étudierons tout à l’heure dans le pavillon de l’Espagne.

Ainsi, la science du tapissier atteint son épanouissement complet
 
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