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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 24.1900

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Nr. 2
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Proust, Marcel: John Ruskin, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24721#0151

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JOHN RUSKIN

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païens et dans les symboles chrétiens, l’identité de certaines idées
religieuses devaient le frapper1. M. Ary Renan2 a remarqué, avec
profondeur, ce qu’il y a déjà du Christ dans le Prométhée de Gustave
Moreau. Ruskin, que sa dévotion à l'art chrétien ne rendit jamais
contempteur du paganisme3, a comparé, dans un sentiment esthétique
et religieux, le lion de saint Jérôme au lion de Némée4, Virgile à
Dante, les prédictions de saint Jérôme aux prédictions de la Sibylle
de Cumes, Samson à Hercule, Thésée au Prince Noir et jusqu'aux
couronnes dont les païens et les chrétiens ceignaient le front de
leurs rois. Il n’y a certes pas lieu de comparer ici Ruskin à Gustave
Moreau, mais on peut dire qu’une tendance naturelle, développée
par la fréquentation des Primitifs, les avait conduits tous deux à
proscrire en art l’expression des sentiments violents, et, en tant
qu’elle s’était appliquée à l’étude des symboles, à quelque fétichisme
dans l’adoration des symboles eux-mêmes, fétichisme peu dangereux
d’ailleurs pour des esprits si attachés au fond au sentiment symbo-
lisé qu’ils pouvaient passer d’un symbole à l’autre, sans être arrêtés
par les diversités de pure surface. Pour ce qui est de la prohibition
systématique de l’expression des émotions violentes en art, le prin-
cipe que M. Ary Renan a appelé le principe de la Belle Inertie,
où le trouver mieux défini que dans les pages des « Rapports de
Michel-Ange et du Tintoret3 » ? Quant à l’adoration un peu exclusive
des symboles, l’étude de l’art du moyen âge italien et français n’y
devait-il pas fatalement conduire? Et comme, sous l’œuvre d’art,
c’était l’âme d’un temps qu’il cherchait, la ressemblance de ces
symboles du portail de Chartres aux fresques de Pise ne pouvait pas

1. Dans le Repos de Saint Marc il va jusqu’à dire qu’il n’y a qu’un art grec,
depuis la bataille de Marathon jusqu’au doge Selvo (cf. les pages de la Bible
d’Amiens, où il fait descendre de Dédale, « le premier sculpteur qui ait donné une
représentation pathélique de la vie humaine», les écoles d’architectes qui creu-
sèrent l’ancien labyrinthe d’Amiens); et aux mosaïques du baptistère de Saint-
Marc il reconnaît dans un séraphin une harpie, dans Hérodiade une canéphore,
dans une coupole d’or un vase grec, etc.

2. Dans une étude admirable, parue ici-inême. Depuis Fromentin, aucun
Peintre, croyons-nous, n’a montré une plus grande maîtrise d’écrivain.

3. « Si peu, dit-il, que je ne crois pas qu’aucune interprétation de la religion
grecque ait jamais été aussi affectueuse, aucune de la religion romaine aussi
revérente que celle qui est à la base de mon enseignement. »

4- Comparé ailleurs au dragon de saint Georges.

S. Cf. Châteaubriand, préface de la lre édition à'Atala : « Les Muses sont
^es femmes célestes qui ne défigurent point leurs traits par des grimaces ; quand
ehes pleurent, c’est avec un secret dessein de s’embellir. »

XXIV. — 3’ PÉRIODE

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