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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Sans doute ce vaste ensemble d’œuvres peintes dans les deux
mondes reste profondément instructif; mais, pourtant, en étudiant
individuellement ces écoles, nous sommes obligés de reconnaître
que, pour la plupart d’entre elles et surtout pour les plus impor-
tantes, l’Exposition de 1900 ne présente pas une signification aussi
précise que la grande manifestation précédente et ne nous laissera
pas d’aussi durables souvenirs.
Il se peut que l’un des motifs de cette infériorité soit une raison
toute matérielle, l’insuffisance notoire des locaux concédés aux arts
étrangers et la répartition qui en a été faite aux différents pays,
considérés suivant leur situation politique bien plus que d’après leur
importance artistique. Nous y trouverions peut-être une autre raison,
qui est la prédominance de l’esprit académique dans le recrutement
de la plupart des sections.
En 1889, on s’en souvient, les gouvernements étrangers s’étaient
abstenus de prendre part à notre exposition, à cause de son carac-
tère spécial de commémoration de l’œuvre de la Révolution fran-
çaise. Les artistes étrangers qui avaient tenu à nous honorer de leur
concours s’étaient groupés librement en comités privés, en dehors
de la tutelle gouvernementale. Cette fois, les œuvres ont été recueil-
lies sous la direction des commissariats officiels, et, par suite, sous
l’influence des corps académiques régnants. Il s’ensuit que les élé-
ments plus jeunes et plus libres ont été, par endroits, un peu sacri-
fiés. Nous n’avons qu’à rappeler les souvenirs des derniers Salons,
où, depuis dix ans, les artistes étrangers ont pris une part si
considérable, surtout dès la création de la Société nationale des
Beaux-Arts, au succès de laquelle ils ont quelque peu contribué,
pour nous assurer que les travaux des jeunes générations, qui cons-
tituent justement le propre de l’évolution de ces dix dernières
années, ont été, dans certaines sections, un peu jalousement écartés
par les jurys.
On ne peut donc pas, malheureusement, dire de l’Exposition
de 1900 qu’elle nous offre un tableau très exact et justement pro-
portionné de l’état actuel de l’art chez les nations étrangères.
Ce n’est point, d’ailleurs, qu’on ait dû s’attendre à y trouver des
formes locales nettement déterminées. De tout temps, le propre de
l’art a été de vivre d’une vie à part, très au-dessus de l’existence cou-
rante, où, sans tenir compte des limites des temps et des lieux, il se
plaît à confondre tous les idéals et à mêler tous les moyens d’ex-
pression. Suivant que de tel ou tel foyer monte une plus vive flamme,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Sans doute ce vaste ensemble d’œuvres peintes dans les deux
mondes reste profondément instructif; mais, pourtant, en étudiant
individuellement ces écoles, nous sommes obligés de reconnaître
que, pour la plupart d’entre elles et surtout pour les plus impor-
tantes, l’Exposition de 1900 ne présente pas une signification aussi
précise que la grande manifestation précédente et ne nous laissera
pas d’aussi durables souvenirs.
Il se peut que l’un des motifs de cette infériorité soit une raison
toute matérielle, l’insuffisance notoire des locaux concédés aux arts
étrangers et la répartition qui en a été faite aux différents pays,
considérés suivant leur situation politique bien plus que d’après leur
importance artistique. Nous y trouverions peut-être une autre raison,
qui est la prédominance de l’esprit académique dans le recrutement
de la plupart des sections.
En 1889, on s’en souvient, les gouvernements étrangers s’étaient
abstenus de prendre part à notre exposition, à cause de son carac-
tère spécial de commémoration de l’œuvre de la Révolution fran-
çaise. Les artistes étrangers qui avaient tenu à nous honorer de leur
concours s’étaient groupés librement en comités privés, en dehors
de la tutelle gouvernementale. Cette fois, les œuvres ont été recueil-
lies sous la direction des commissariats officiels, et, par suite, sous
l’influence des corps académiques régnants. Il s’ensuit que les élé-
ments plus jeunes et plus libres ont été, par endroits, un peu sacri-
fiés. Nous n’avons qu’à rappeler les souvenirs des derniers Salons,
où, depuis dix ans, les artistes étrangers ont pris une part si
considérable, surtout dès la création de la Société nationale des
Beaux-Arts, au succès de laquelle ils ont quelque peu contribué,
pour nous assurer que les travaux des jeunes générations, qui cons-
tituent justement le propre de l’évolution de ces dix dernières
années, ont été, dans certaines sections, un peu jalousement écartés
par les jurys.
On ne peut donc pas, malheureusement, dire de l’Exposition
de 1900 qu’elle nous offre un tableau très exact et justement pro-
portionné de l’état actuel de l’art chez les nations étrangères.
Ce n’est point, d’ailleurs, qu’on ait dû s’attendre à y trouver des
formes locales nettement déterminées. De tout temps, le propre de
l’art a été de vivre d’une vie à part, très au-dessus de l’existence cou-
rante, où, sans tenir compte des limites des temps et des lieux, il se
plaît à confondre tous les idéals et à mêler tous les moyens d’ex-
pression. Suivant que de tel ou tel foyer monte une plus vive flamme,