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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
toiles qui ont fait sensation dans nos Salons. Il est représenté au
Grand Palais par trois ouvrages.
Ici, c’est une scène qui, dans son pauvre et triste décor, est
d’une solennité morne et douloureuse : Le Viatique. Une vieille
femme conduit dans une seconde pièce, un prêtre, portant l’hostie
sacrée, que précède un enfant de chœur, un falot à la main. A gauche,
une femme se jette sur une chaise, la tête dans son tablier. Au fond,
à droite, un vieux paysan en veste rouge, à demi caché par le prêtre,
est assis, songeur, sa casquette à la main1.
Là (La Confiance en Dieu), un homme est couché dans son lit,
la couverture jusqu’au menton, le souffle court, dans un pauvre
intérieur au jour rare, où chaque humide objet, l'image dans un
cadre, le carton à chapeau pendu au chevet, joue son rôle de témoin
expressif. Près de lui, une pauvre vieille, les épaules couvertes
d’un fichu de laine d’un rouge qui s’enlève avec un accent étrange
et expressif sur l’acajou du lit, les deux bras nus de l’ouvrage laissé,
est assise, douloureuse, résignée et comme priant intérieurement.
Rien ne peut rendre cette angoisse et cette tristesse auxquelles par-
ticipent toutes les choses inanimées.
Maintenant, c’est La Prière. Quelle humble scène, et si
simple, traduite ici encore d’une façon si grande et si émouvante !
Ce n’est rien qu’une bonne vieille en jupe rouge, agenouillée, le
dos à la fenêtre où sourient quelques maigres fleurs, sous cette
lumière grise et fine des pays du Nord, au milieu d’une chambre où
l'on sent que chaque petit objet a son histoire. Elle prie silencieuse-
ment, son chapelet à la main, tandis que son chat ronronne sur une
chaise. Sur une armoire, une bougie brûle au pied d’une figure de
la Vierge, entre deux petits vases de roses artificielles, au milieu
de tous les ustensiles ou bibelots familiers du ménage, carafons,
verres, huiliers, plats en étain, almanachs, photographies dans leurs
cadres banals de fausse écaille, tous ces compagnons de tous les
jours sur lesquels le temps verse lentement une poussière fine,
comme la poussière des souvenirs.
Il faudrait remonter, dans toute l’Exposition, jusqu’aux salles de
l’Exposition centennale, près de Fantin-Latour ou de Legros, pour
trouver un art d’une telle conscience, d’une telle gravité et d’un
caractère si fortement expressif.
M. Léon Frédéric est pour nous une vieille connaissance. Tous
ses principaux ouvrages ont été exposés à nos Salons. Il a mis, cette
i.v. la reproduction de ce tableau, Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XVI, p. 118.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
toiles qui ont fait sensation dans nos Salons. Il est représenté au
Grand Palais par trois ouvrages.
Ici, c’est une scène qui, dans son pauvre et triste décor, est
d’une solennité morne et douloureuse : Le Viatique. Une vieille
femme conduit dans une seconde pièce, un prêtre, portant l’hostie
sacrée, que précède un enfant de chœur, un falot à la main. A gauche,
une femme se jette sur une chaise, la tête dans son tablier. Au fond,
à droite, un vieux paysan en veste rouge, à demi caché par le prêtre,
est assis, songeur, sa casquette à la main1.
Là (La Confiance en Dieu), un homme est couché dans son lit,
la couverture jusqu’au menton, le souffle court, dans un pauvre
intérieur au jour rare, où chaque humide objet, l'image dans un
cadre, le carton à chapeau pendu au chevet, joue son rôle de témoin
expressif. Près de lui, une pauvre vieille, les épaules couvertes
d’un fichu de laine d’un rouge qui s’enlève avec un accent étrange
et expressif sur l’acajou du lit, les deux bras nus de l’ouvrage laissé,
est assise, douloureuse, résignée et comme priant intérieurement.
Rien ne peut rendre cette angoisse et cette tristesse auxquelles par-
ticipent toutes les choses inanimées.
Maintenant, c’est La Prière. Quelle humble scène, et si
simple, traduite ici encore d’une façon si grande et si émouvante !
Ce n’est rien qu’une bonne vieille en jupe rouge, agenouillée, le
dos à la fenêtre où sourient quelques maigres fleurs, sous cette
lumière grise et fine des pays du Nord, au milieu d’une chambre où
l'on sent que chaque petit objet a son histoire. Elle prie silencieuse-
ment, son chapelet à la main, tandis que son chat ronronne sur une
chaise. Sur une armoire, une bougie brûle au pied d’une figure de
la Vierge, entre deux petits vases de roses artificielles, au milieu
de tous les ustensiles ou bibelots familiers du ménage, carafons,
verres, huiliers, plats en étain, almanachs, photographies dans leurs
cadres banals de fausse écaille, tous ces compagnons de tous les
jours sur lesquels le temps verse lentement une poussière fine,
comme la poussière des souvenirs.
Il faudrait remonter, dans toute l’Exposition, jusqu’aux salles de
l’Exposition centennale, près de Fantin-Latour ou de Legros, pour
trouver un art d’une telle conscience, d’une telle gravité et d’un
caractère si fortement expressif.
M. Léon Frédéric est pour nous une vieille connaissance. Tous
ses principaux ouvrages ont été exposés à nos Salons. Il a mis, cette
i.v. la reproduction de ce tableau, Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XVI, p. 118.