L’ART JAPONAIS A L’EXPOSITION
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statuettes conservées dans la pagode. La force, le naturel des
expressions et des gestes, la vie qui circule à travers ces groupes de
disciples et de paysans qui écoutent les paroles du Bouddha ou
pleurent sa mort, est indescriptible; —■ mais visiblement des parties
de certains personnages, des dizaines de figurines ont été refaites,
ne sont ni de la même main, ni de la même époque. Et dans la
charmante petite paysanne agenouillée,
les mains croisées, sa robe simple en-
tourée d’une ceinture nouée avec une
grâce décente, telle absolument que les
jeunes servantes qui, dans les auberges
japonaises, attendent avec cette candeur
les ordres du barbare qui ne se lasse pas
de les regarder, il me semble voir une
œuvre plus moderne, moins ardente de
facture que les chefs-d’œuvre attribués
à Tori Busshi. J’endirai autantdu paysan
qui pleure, si vivant cependant’.
J’exprime ce scepticisme avec timi-
dité. Mais, pour la plupart des dernières
sculptures que j’examinerai, où l’in-
fluence de la Chine n’est plus qu’un sou-
venir, où l’âme de la race s’exprime avec
une telle force que les traditions étran-
gères disparaissent dans son rayonne-
ment, je crois devoir contester absolu-
ment les dates qu’on leur attribue et les
rajeunir considérablement. C’est le cas
pour le Bouddha Dainiti, à M. Ilara,
attribué au ixe siècle, du xe finissant
tout au plus, œuvre caractéristique de
l’époque des Foujiwara par le type, le modelé des jolies mains
grasses et de la grasse figure paisible, l’arrangement sinueux et
mollement élégant des bandelettes qui semblent lier le dieu pour
toujours dans l’immobilité de sa contemplation. J’en dirai autant
pour le Monju et l’Uïma : l’Uïma attribué au xc siècle est du xic ; le
STATUETTE EN BRONZE
IMITÉE D'UN ORIGINAL IIU VIIe SIÈCLE
1. Ces figurines peintes ne sont pas des terres cuites. Sur une armature en
bois on a tressé étroitement de la paille, recouverte d’une argile malaxée avec de
la balle de riz où vient s’appliquer une terre sablonneuse collante qui reçoit la
couche de peinture. —Je dois ces détails à l’obligeance de M. le baron Kitabataké.
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statuettes conservées dans la pagode. La force, le naturel des
expressions et des gestes, la vie qui circule à travers ces groupes de
disciples et de paysans qui écoutent les paroles du Bouddha ou
pleurent sa mort, est indescriptible; —■ mais visiblement des parties
de certains personnages, des dizaines de figurines ont été refaites,
ne sont ni de la même main, ni de la même époque. Et dans la
charmante petite paysanne agenouillée,
les mains croisées, sa robe simple en-
tourée d’une ceinture nouée avec une
grâce décente, telle absolument que les
jeunes servantes qui, dans les auberges
japonaises, attendent avec cette candeur
les ordres du barbare qui ne se lasse pas
de les regarder, il me semble voir une
œuvre plus moderne, moins ardente de
facture que les chefs-d’œuvre attribués
à Tori Busshi. J’endirai autantdu paysan
qui pleure, si vivant cependant’.
J’exprime ce scepticisme avec timi-
dité. Mais, pour la plupart des dernières
sculptures que j’examinerai, où l’in-
fluence de la Chine n’est plus qu’un sou-
venir, où l’âme de la race s’exprime avec
une telle force que les traditions étran-
gères disparaissent dans son rayonne-
ment, je crois devoir contester absolu-
ment les dates qu’on leur attribue et les
rajeunir considérablement. C’est le cas
pour le Bouddha Dainiti, à M. Ilara,
attribué au ixe siècle, du xe finissant
tout au plus, œuvre caractéristique de
l’époque des Foujiwara par le type, le modelé des jolies mains
grasses et de la grasse figure paisible, l’arrangement sinueux et
mollement élégant des bandelettes qui semblent lier le dieu pour
toujours dans l’immobilité de sa contemplation. J’en dirai autant
pour le Monju et l’Uïma : l’Uïma attribué au xc siècle est du xic ; le
STATUETTE EN BRONZE
IMITÉE D'UN ORIGINAL IIU VIIe SIÈCLE
1. Ces figurines peintes ne sont pas des terres cuites. Sur une armature en
bois on a tressé étroitement de la paille, recouverte d’une argile malaxée avec de
la balle de riz où vient s’appliquer une terre sablonneuse collante qui reçoit la
couche de peinture. —Je dois ces détails à l’obligeance de M. le baron Kitabataké.