Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 24.1900

DOI issue:
Nr. 5
DOI article:
Michel, André: L' exposition centennale - La peinture française, 5: les arts à l'Exposition Universelle de 1900
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24721#0498

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
466

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

nature là-bas est comme prosternée à ses pieds. Il a la jeunesse,
la force et la beauté. Nul peintre ne s’est plus complaisamment
servi de modèle à soi-même. Dans la description de son Atelier,
il écrit sans sourciller, en son charabia : « Puis vient la toille sur
mon chevalet, et moi peignant, avec le côté assyrien de ma tête. »
Et dans le tableau que lui commanda un peu plus tard son Mécène,
Alfred Bruyas, dans cette Rencontre que le public baptisa, à l’Expo-
sition de 1855 : Bonjour, monsieur Courbet! c’est encore lui le
centre de la composition. Le chansonnier Mathieu, qui, suivi de ses
élèves, les Amis de la nature1, assistait à l’inauguration, improvisa
ce quatrain :

Passant, arreste-toi : c’est Courbet que voicy,

Courbet dont te front pur attend te diadème ;

Et ne t’étonne pas s’il te regarde ainsi ;

Courbet te regardant se regarde lui-même !

Bruyas — cet ami des peintres, que je me rappelle avoir souvent
vu passer en mon enfance, méditatif et souffreteux, et que nous regar-
dions un peu comme les petits Ravennates devaient regarder Dante,
car on disait qu’il revenait du pays merveilleux de l’art et qu'il vivait
avec les artistes ! — Bruyas avait voulu garder, peint de la main de
son hôte, « un paysage de son pays et un souvenir sans affectation
de leur intimité ». Quelle humble posture Courbet lui a donnée ! Et
comme ce paysage méridional, où le soleil fait rage, reste immobile et
froid!... Qu’on pense à ce qu’un Nittis, par exemple, aurait tiré d’un
pareil thème et, pour ne prendre qu’un détail, de cette diligence
jaune qui passe sous le ciel bleu, dans la poussière de la route.
Théophile Sylvestre a dit, à propos de ce tableau, que Courbet
avait reçu quelques leçons de Corot. J’en cherche en vain la trace
et je serais plutôt tenté de croire que ce dont Corot eut l'intuition
géniale, Courbet ne le chercha, ne le comprit jamais.

Quoi qu’il en soit — et si inférieures à ses prétentions et à ses van-
tardises qu’aient pu être ses façons habituelles de penser et de sentir,
il fut de ceux qui contribuèrent puissamment à « naturaliser l’art »,
selon le mot de Montaigne, à une époque où d’autres avaient trop

d. Voir une brochure récemment parue : Cliampfleury, Courbet, Max Buchon,
par Jules Troubat. Paris, 4900. In-16.
 
Annotationen