BIBLIOGRAPHIE
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doutes, en examinant à nouveau les monnaies du temps d’Hadrien et de Septime-
Sévère sur lesquelles est reproduite la tête du Z eus et en croyant distinguer
dans cette tête certains traits d’archaïsme, d’où il aurait résulté que l’œuvre de
Phidias devait être antérieure à 450 LM. Furtwaengler tient fermement pour
l’opinion contraire : l’étude des témoignages écrits des anciens et celle même
des monnaies en question le conduisent à affirmer avec vigueur que le Zeus n’est
venu qu’après la Parthénos. Après avoir ainsi raffermi la date un peu vacillante
de la grande statue d’Olympie, M. Furtwaengler aborde, relativement à cette
statue, un autre ordre de considérations, qu’il a couronnées par une hypothèse
d’une nouveauté sensationnelle. Il y a de quoi s’étonner qu’un chef-d’œuvre,
pour lequel l’admiration des anciens a été unanime et portée chez beaucoup
jusqu’à l’enthousiasme, n’ait pas été copié ou imité maintes fois par l’art des
siècles suivants, et que nous n’en possédions d’autre reproduction que des petits
reliefs monétaires, datant du 11e siècle seulement de notre ère. Rien ne sert
d’alléguer le reproche que certains ont cru devoir adresser à Phidias, relative-
ment à la disproportion entre la taille de son colosse et la cella du temple :
outre que cette disproportion n’ôtait rien à la valeur de la statue elle-même, elle
n’existait que dans le temple et pour le temple, et aurait cessé d’exister dans des
copies réduites.
Pourquoi donc le Zens ne fut-il pas copié, comme le fut la Parthénos?
M. Furtwaengler croit que la raison de ce fait est le type très particulier que
Phidias avait donné au dieu. Ce type, tel que nous le révèlent les monnaies
d’Hadrien, n’est pas celui sous lequel l’antiquité aima toujours à se représenter
le puissant maître du ciel; il diffère grandement de celui du Z eus d’Otricoli, par
exemple, dans l’arrangement des cheveux, dans les traits du visage, dans le
caractère moral de ces traits; et à cause de cela on put bien admirer la création
du génie, mais on ne l’imita pas; elle demeura isolée : ni les artistes ne furent
tentés de s’en inspirer, ni le public ne fut enclin à en réclamer de nouvelles
images. Non seulement Phidias s’était mis en dehors de l’idéal grec; peut-être
l’avait-il dépassé. Car M. Furtwaengler remarque que les commentaires les plus
enthousiastes sur le Z eus d’Olympie sont ceux des derniers écrivains du paga-
nisme, et datent d’une époque où l’idée qu’on se faisait des dieux tendait à se
modifier gravement, sous l’influence ouverte des doctrines stoïciennes et aussi
sans doute sous le souffle à peine perceptible encore de la naissante religion
chrétienne. Entre autres expressions de Dion Chrysostome, il faut citer celles-ci
surtout : « C’est le dieu pacifique, suprêmement doux... ; le dieu calme et serein...,
dispensateur de l’existence et de la vie et de tous biens, le commun père, le com-
mun sauveur, le commun gardien des hommes. » Ne croirait-on pas que c’est au
Christ que s’appliquent ces paroles-là? Or, après avoir connu dans les premiers
siècles un type de Christ imberbe, aux cheveux bouclés (dérivé peut-être du Bonus
Eventus des Latins, qui lui-même dérivait du Triptolème ou Eubouleus des Grecs),
la chrétienté d’Occident finit par adopter un’autre type, qui lui arriva de Byzance :
un type de Christ barbu, aux cheveux lisses, à peine ondés, séparés par une raie
et tombant jusqu’au bas de la nuque sans dépasser l’épaule. Que l’on compare à
ce type du Christ la monnaie d’Hadrien où est reproduite la tête du Z eus d’Olym-
1. Cf. le résumé de l’article de M. Wernicke dans la Revue des études grecques, XII,
-1899, p. 186-187.
XXIX.
3e PÉRIODE.
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doutes, en examinant à nouveau les monnaies du temps d’Hadrien et de Septime-
Sévère sur lesquelles est reproduite la tête du Z eus et en croyant distinguer
dans cette tête certains traits d’archaïsme, d’où il aurait résulté que l’œuvre de
Phidias devait être antérieure à 450 LM. Furtwaengler tient fermement pour
l’opinion contraire : l’étude des témoignages écrits des anciens et celle même
des monnaies en question le conduisent à affirmer avec vigueur que le Zeus n’est
venu qu’après la Parthénos. Après avoir ainsi raffermi la date un peu vacillante
de la grande statue d’Olympie, M. Furtwaengler aborde, relativement à cette
statue, un autre ordre de considérations, qu’il a couronnées par une hypothèse
d’une nouveauté sensationnelle. Il y a de quoi s’étonner qu’un chef-d’œuvre,
pour lequel l’admiration des anciens a été unanime et portée chez beaucoup
jusqu’à l’enthousiasme, n’ait pas été copié ou imité maintes fois par l’art des
siècles suivants, et que nous n’en possédions d’autre reproduction que des petits
reliefs monétaires, datant du 11e siècle seulement de notre ère. Rien ne sert
d’alléguer le reproche que certains ont cru devoir adresser à Phidias, relative-
ment à la disproportion entre la taille de son colosse et la cella du temple :
outre que cette disproportion n’ôtait rien à la valeur de la statue elle-même, elle
n’existait que dans le temple et pour le temple, et aurait cessé d’exister dans des
copies réduites.
Pourquoi donc le Zens ne fut-il pas copié, comme le fut la Parthénos?
M. Furtwaengler croit que la raison de ce fait est le type très particulier que
Phidias avait donné au dieu. Ce type, tel que nous le révèlent les monnaies
d’Hadrien, n’est pas celui sous lequel l’antiquité aima toujours à se représenter
le puissant maître du ciel; il diffère grandement de celui du Z eus d’Otricoli, par
exemple, dans l’arrangement des cheveux, dans les traits du visage, dans le
caractère moral de ces traits; et à cause de cela on put bien admirer la création
du génie, mais on ne l’imita pas; elle demeura isolée : ni les artistes ne furent
tentés de s’en inspirer, ni le public ne fut enclin à en réclamer de nouvelles
images. Non seulement Phidias s’était mis en dehors de l’idéal grec; peut-être
l’avait-il dépassé. Car M. Furtwaengler remarque que les commentaires les plus
enthousiastes sur le Z eus d’Olympie sont ceux des derniers écrivains du paga-
nisme, et datent d’une époque où l’idée qu’on se faisait des dieux tendait à se
modifier gravement, sous l’influence ouverte des doctrines stoïciennes et aussi
sans doute sous le souffle à peine perceptible encore de la naissante religion
chrétienne. Entre autres expressions de Dion Chrysostome, il faut citer celles-ci
surtout : « C’est le dieu pacifique, suprêmement doux... ; le dieu calme et serein...,
dispensateur de l’existence et de la vie et de tous biens, le commun père, le com-
mun sauveur, le commun gardien des hommes. » Ne croirait-on pas que c’est au
Christ que s’appliquent ces paroles-là? Or, après avoir connu dans les premiers
siècles un type de Christ imberbe, aux cheveux bouclés (dérivé peut-être du Bonus
Eventus des Latins, qui lui-même dérivait du Triptolème ou Eubouleus des Grecs),
la chrétienté d’Occident finit par adopter un’autre type, qui lui arriva de Byzance :
un type de Christ barbu, aux cheveux lisses, à peine ondés, séparés par une raie
et tombant jusqu’au bas de la nuque sans dépasser l’épaule. Que l’on compare à
ce type du Christ la monnaie d’Hadrien où est reproduite la tête du Z eus d’Olym-
1. Cf. le résumé de l’article de M. Wernicke dans la Revue des études grecques, XII,
-1899, p. 186-187.
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3e PÉRIODE.
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