DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Chantavoine, Jean: Un humoriste allemand: Wilhelm Busch (1832 - 1908)
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à se spécialiser : elle s’attaque de moins en moins à des types géné-
raux, de plus en plus à des catégories distinctes de la société, voire
à des personnes1. Comme la politique, qui l’envahit chaque jour
davantage, elle tend à devenir « real », c’est-à-dire pratique. En se
spécialisant de la sorte, elle s’exacerbe donc du même coup. La
satire y succède à Xhumour. Or Busch était un humoriste, bien plus
qu’un satiriste.
En cédant ainsi la place aux jeunes « qui gravissent le penchant
ensoleillé de la montagne », il agissait d’ailleurs en homme
d’esprit et en artiste avisé. Il échappait au danger, si funeste à tant
d’autres, de donner, après une période d’éclat et de maîtrise, le
spectacle d’une décadence. Il évitait aussi ce stage périlleux où tant
d’œuvres succombent, qui n’atteignent pas l’avenir pour avoir trop
tôt paru démodées. De bon cœur, ou au moins délibérément, Busch
s’est un beau jour placé dans le passé. Il ne devait pas lui déplaire
qu’on le crût mort parfois : il avait toujours aimé à observer du
dehors les gens et les choses. S’étant retiré presque hors de la vie,
il voyait les générations montantes rester fidèles à son œuvre déjà
classique, en ignorant sa personne déjà oubliée. Ainsi se dessinait à
ses yeux, bien avant l’heure où ils devaient se fermer, l’image
vivante d’une postérité qui, dans son pays, l’honorera longtemps
pour sa gaieté, pour son bon sens, pour le bienfait du rire qu’il a si
largement dispensé et pour avoir greffé la caricature sur la tige
nourricière de l’art.
JEAN CII A N T A V 01N E
I. Chaque artiste tend à monopoliser, dans son œuvre, une section de la
société : voyez, dans l’amusant et artistique Simplicïssimus, le partage observé
entre Th.-Th. Heine, Thôny et le pauvre Reznicek si prématurément enlevé il y a
quelques semaines.
LA PETITE JULIETTE, DESSIN P AU AV. BUSCH
(Extrait de « M. et Mm0 Kopp ».)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à se spécialiser : elle s’attaque de moins en moins à des types géné-
raux, de plus en plus à des catégories distinctes de la société, voire
à des personnes1. Comme la politique, qui l’envahit chaque jour
davantage, elle tend à devenir « real », c’est-à-dire pratique. En se
spécialisant de la sorte, elle s’exacerbe donc du même coup. La
satire y succède à Xhumour. Or Busch était un humoriste, bien plus
qu’un satiriste.
En cédant ainsi la place aux jeunes « qui gravissent le penchant
ensoleillé de la montagne », il agissait d’ailleurs en homme
d’esprit et en artiste avisé. Il échappait au danger, si funeste à tant
d’autres, de donner, après une période d’éclat et de maîtrise, le
spectacle d’une décadence. Il évitait aussi ce stage périlleux où tant
d’œuvres succombent, qui n’atteignent pas l’avenir pour avoir trop
tôt paru démodées. De bon cœur, ou au moins délibérément, Busch
s’est un beau jour placé dans le passé. Il ne devait pas lui déplaire
qu’on le crût mort parfois : il avait toujours aimé à observer du
dehors les gens et les choses. S’étant retiré presque hors de la vie,
il voyait les générations montantes rester fidèles à son œuvre déjà
classique, en ignorant sa personne déjà oubliée. Ainsi se dessinait à
ses yeux, bien avant l’heure où ils devaient se fermer, l’image
vivante d’une postérité qui, dans son pays, l’honorera longtemps
pour sa gaieté, pour son bon sens, pour le bienfait du rire qu’il a si
largement dispensé et pour avoir greffé la caricature sur la tige
nourricière de l’art.
JEAN CII A N T A V 01N E
I. Chaque artiste tend à monopoliser, dans son œuvre, une section de la
société : voyez, dans l’amusant et artistique Simplicïssimus, le partage observé
entre Th.-Th. Heine, Thôny et le pauvre Reznicek si prématurément enlevé il y a
quelques semaines.
LA PETITE JULIETTE, DESSIN P AU AV. BUSCH
(Extrait de « M. et Mm0 Kopp ».)