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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
un Tanagra dans le voile bleu qui la recouvre. Un souci de com-
position hautement louable, une vision de coloriste sobre et pon-
déré, un équilibre affirmé et heureux entre les diverses masses,
font de celte œuvre une de celles dont M. Clovis Cazes peut être
fier. Cependant, pour je ne sais quoi de déjà vu qui laisserait
pressentir une formule en formation, je préférerais peut-être ces
deux bacchantes, accompagnées d’un léopard, qui se courbent pour
passer sous les ramures basses d’un grand arbre. Leurs voiles
traînent derrière elles, et l’arabesque de cet ensemble est si heu-
reuse, il y a une telle joie animale entre les êtres divers unis dans
leur commune folie, un tel accord entre leurs attitudes et les
branches abaissées comme en arcades protectrices, qu’on se plaît à
suivre Je peintre dans ces évocations, où il prouve une fois de plus
que tous les thèmes peuvent être éternellement jeunes selon la
façon dont on les traite.
Ce souci de l’imité qui le guide, on aimerait à le trouver chez un
peintre qui, plus que lui, tente d’exprimer avec profondeur la psy-
chologie de ses modèles : M. Jonas. Son portrait de M. Harpignies
est un des meilleurs d'ici, mais il est regrettable que le modèle ne
vive pas assez, si l’on peut ainsi dire, dans l'atmosphère où il est
placé. Même remarque peut être faite devant les médecins réunis
pour la Consultation : aucun n’est indispensable à l’harmonie géné-
rale, et c’est un grave défaut. On pouvait espérer mieux de M. Jonas
qui, au Salon dernier, s’exprimait avec une fougue heureuse, il
n’est pas le seul, du reste, qui nous ait apporté une désillusion. La
grande sérénité et l’ampleur des lignes du triptyque que M. Leroux
exposait l’an passé sont absents de sa Promenade du Pincio à Rome.
Lorsque M. Adler nous disait sa tendresse pour le peuple noirci
des mines, lorsqu’il le montrait, las du labeur quotidien, allant
d’un pas lourd vers le cabaret ou vers le repos familial, il savait
parler avec émotion et émouvoir. Cette fois il a voulu montrer
Gavroche, non le gavroche téméraire fier de brandir ses pistolets
sur la barricade des vains héroïsmes, mais Gavroche tel qui doit
être aujourd’hui, dernière incarnation du type de Victor Hugo, si
tant est qu’il existe encore, Gavroche partant pour l’atelier et lan-
çant quelque lazzi au groupe rieur des jeunes ouvrières qui suit la
même route.
11 y a mieux à dire sur les types parisiens. M. André Devambez
le sait, lui qui emprunte ses amusantes anecdotes àla vie delacapitale.
Gavroche est peut-être présent au « poulailler » de Y Ancien théâtre
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un Tanagra dans le voile bleu qui la recouvre. Un souci de com-
position hautement louable, une vision de coloriste sobre et pon-
déré, un équilibre affirmé et heureux entre les diverses masses,
font de celte œuvre une de celles dont M. Clovis Cazes peut être
fier. Cependant, pour je ne sais quoi de déjà vu qui laisserait
pressentir une formule en formation, je préférerais peut-être ces
deux bacchantes, accompagnées d’un léopard, qui se courbent pour
passer sous les ramures basses d’un grand arbre. Leurs voiles
traînent derrière elles, et l’arabesque de cet ensemble est si heu-
reuse, il y a une telle joie animale entre les êtres divers unis dans
leur commune folie, un tel accord entre leurs attitudes et les
branches abaissées comme en arcades protectrices, qu’on se plaît à
suivre Je peintre dans ces évocations, où il prouve une fois de plus
que tous les thèmes peuvent être éternellement jeunes selon la
façon dont on les traite.
Ce souci de l’imité qui le guide, on aimerait à le trouver chez un
peintre qui, plus que lui, tente d’exprimer avec profondeur la psy-
chologie de ses modèles : M. Jonas. Son portrait de M. Harpignies
est un des meilleurs d'ici, mais il est regrettable que le modèle ne
vive pas assez, si l’on peut ainsi dire, dans l'atmosphère où il est
placé. Même remarque peut être faite devant les médecins réunis
pour la Consultation : aucun n’est indispensable à l’harmonie géné-
rale, et c’est un grave défaut. On pouvait espérer mieux de M. Jonas
qui, au Salon dernier, s’exprimait avec une fougue heureuse, il
n’est pas le seul, du reste, qui nous ait apporté une désillusion. La
grande sérénité et l’ampleur des lignes du triptyque que M. Leroux
exposait l’an passé sont absents de sa Promenade du Pincio à Rome.
Lorsque M. Adler nous disait sa tendresse pour le peuple noirci
des mines, lorsqu’il le montrait, las du labeur quotidien, allant
d’un pas lourd vers le cabaret ou vers le repos familial, il savait
parler avec émotion et émouvoir. Cette fois il a voulu montrer
Gavroche, non le gavroche téméraire fier de brandir ses pistolets
sur la barricade des vains héroïsmes, mais Gavroche tel qui doit
être aujourd’hui, dernière incarnation du type de Victor Hugo, si
tant est qu’il existe encore, Gavroche partant pour l’atelier et lan-
çant quelque lazzi au groupe rieur des jeunes ouvrières qui suit la
même route.
11 y a mieux à dire sur les types parisiens. M. André Devambez
le sait, lui qui emprunte ses amusantes anecdotes àla vie delacapitale.
Gavroche est peut-être présent au « poulailler » de Y Ancien théâtre