LA CARICATURE ET L'HUMOUR DANS LE NORD
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les petits bonshommes Muller et Schultze; et ce succès de popularité
tient surtout à un cheveu, je devrais dire, pour être exact, aux trois
cheveux de Mr de Bismarck. 11 s'est fait, depuis 1870, une spécialité du
portrait de l'homme d'Etat allemand, qui est venu ainsi remplacer Napoléon,
— et c'est chose bien extraordinaire si l'on ne voit pas, à chaque page,
apparaître le fameux crâne dénudé, baromètre parlant, dont les caricatu-
ristes ont, plus d'une fois, représenté les merveilleux effets, ou la haute
casquette de l'officier prussien qu'affectionne le confident de l'Empereur
Guillaume.
Ici, il est en écuyer de cirque jonglant avec ses ministres et ses
portefeuilles; là, sur la porte d'une boutique portant pour enseigne: Ba-
zar dîi Parlement, tout le stock des lois rejetées par le Reichstag étant
accroché à la devanture; plus loin, on l'aperçoit dans ses trois attitudes
préférées, noir, gris ou blanc, suivant qu'il a les bras ramenés sur le
corps, les mains derrière le dos, ou les bras pendants et les mains
ouvertes. D'autres fois, c'est une suite de croquis dans les
poses qui lui sont habituelles, au Parlement prussien, croquis inté-
ressants pour qui veut connaître à fond toutes les habiletés, toutes
les finesses de sa politique. On le voit se présentant humblement,
en mendiant, auprès des messieurs qui ont pour mission de combattre
l'élévation des impôts, déclarant lui-même qu'il n'y a aucun agrément
à en payer, ou disant qu'on verra dans le pays combien M. Richter
et lui sont bons amis.
La discussion et le rejet des projets de loi économiques élaborés
par le Chancelier a surtout fourni matière aux charges des dessinateurs
berlinois. Constamment ce sujet apparaît dans leurs vignettes, et sans
qu'on puisse définir, au fond, s'ils en sont partisans ou ennemis. Les
difficultés sans cesse renaissantes de l'équilibre budgétaire, sont ainsi tra-
duites sous une forme humoristique plutôt que satirique.
N'est-ce pas à cet ordre d'idées qu'appartient la vignette: Embarras
de richesse, Bismarck plongé dans de graves méditations financières
se tenant le petit dialogue suivant : Qu'allons-nous faire de tout cet
argent, et d'abord, où le prendrons-nous ? Mais cette illustration ne vise
jamais que la politique personnelle du Grand-Chancelier; ce sont, si l'on
veut, des impressions, des notes graphiques, des charges bienveillantes
destinées surtout à le faire connaître sous son côté bonhomme. Jamais
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les petits bonshommes Muller et Schultze; et ce succès de popularité
tient surtout à un cheveu, je devrais dire, pour être exact, aux trois
cheveux de Mr de Bismarck. 11 s'est fait, depuis 1870, une spécialité du
portrait de l'homme d'Etat allemand, qui est venu ainsi remplacer Napoléon,
— et c'est chose bien extraordinaire si l'on ne voit pas, à chaque page,
apparaître le fameux crâne dénudé, baromètre parlant, dont les caricatu-
ristes ont, plus d'une fois, représenté les merveilleux effets, ou la haute
casquette de l'officier prussien qu'affectionne le confident de l'Empereur
Guillaume.
Ici, il est en écuyer de cirque jonglant avec ses ministres et ses
portefeuilles; là, sur la porte d'une boutique portant pour enseigne: Ba-
zar dîi Parlement, tout le stock des lois rejetées par le Reichstag étant
accroché à la devanture; plus loin, on l'aperçoit dans ses trois attitudes
préférées, noir, gris ou blanc, suivant qu'il a les bras ramenés sur le
corps, les mains derrière le dos, ou les bras pendants et les mains
ouvertes. D'autres fois, c'est une suite de croquis dans les
poses qui lui sont habituelles, au Parlement prussien, croquis inté-
ressants pour qui veut connaître à fond toutes les habiletés, toutes
les finesses de sa politique. On le voit se présentant humblement,
en mendiant, auprès des messieurs qui ont pour mission de combattre
l'élévation des impôts, déclarant lui-même qu'il n'y a aucun agrément
à en payer, ou disant qu'on verra dans le pays combien M. Richter
et lui sont bons amis.
La discussion et le rejet des projets de loi économiques élaborés
par le Chancelier a surtout fourni matière aux charges des dessinateurs
berlinois. Constamment ce sujet apparaît dans leurs vignettes, et sans
qu'on puisse définir, au fond, s'ils en sont partisans ou ennemis. Les
difficultés sans cesse renaissantes de l'équilibre budgétaire, sont ainsi tra-
duites sous une forme humoristique plutôt que satirique.
N'est-ce pas à cet ordre d'idées qu'appartient la vignette: Embarras
de richesse, Bismarck plongé dans de graves méditations financières
se tenant le petit dialogue suivant : Qu'allons-nous faire de tout cet
argent, et d'abord, où le prendrons-nous ? Mais cette illustration ne vise
jamais que la politique personnelle du Grand-Chancelier; ce sont, si l'on
veut, des impressions, des notes graphiques, des charges bienveillantes
destinées surtout à le faire connaître sous son côté bonhomme. Jamais