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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 3.1873

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https://doi.org/10.11588/diglit.6812#0199

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3« ANNÉE — N* 135

VINGT-CINQ CENTIMES

DIMANCHE 9 NOVEMBRE 1873

A. Monsieur Léon GAMBETTA, député

Monsieur le Député,

On vante partout votre libéralisme. Nous voulons
bien y croire, et nous admettons volontiers que c'est
par oubli que vous n'avez pas compris, parmi les abus
que vous avez supprimés au h septembre, certaine in-
stitution que, sous l'Empire, vous combattiez de toutes
les forces de votre éloquence.

Vous devinez bien qu'il s'agit de la censure.

De celte censure dont les censeurs ont censuré pour
le compte de l'Empire, pour le compte de M. Thiers,
pour le compte de l'ordre moral, et qui, au besoin....
n'escomptons pas sur l'avenir!...

Cette censure, disons-nous, est en ce moment dans
un grand embarras : elle se demande pour le compte
de qui elle censurera demain.

Sera-ce pour Henri V? pour d'Aumale I"? pour Na-
poléon IV? pour une seconde édition de M. Thiers? ou
pour tout autre prétendant non encore admis à la cote
officielle?

Dans leur incertitude, les censeurs viennent de
prendre l'héroïque résolution d'interdire tout ce qui
touche à quelqu'un ou à quelque chose.

Excellent moyen de ne mécontenter personne !

« Car, pour être censeur, on n'en est pas moins
homme, » et ces Messieurs ont besoin de leurs places
et de leurs appointemoints.

En présence de celte situation intolérable, nous ve-
nons vous p;ier, Monsieur le Député, aussitôt que les
questions brûlantes qui sont à l'ordre du jour ne brû-
leront plus, de vouloir bien nous prêter l'appui de
votre brillante parole pour obtenir de la Chambre :

L'abolition immédiate d'une institution vexatoire et
arbitraire qui, au mépris de la loi sur la presse, au
mépris de notre cautionnement et dans un but d'in-
térêt personnel met son veto sur tous nos dessins
politiques;

Que, dans le cas où ladite Chambre se monlrerail
sourde à voire puissante voix, vous daigniez prendre
l'initialive d'un projet de loi ayant pour objet : de
donner l'inamovibilité à MM. les censeurs, et au besoin
de déclarer leurs charges héréditaires, ce qui, en leur
assurant l'indépendance, ôlerait à ces messieurs toute
inquiétude de l'avenir et donnerait des garan'ies à la
presse illustrée.

Nous vous demandons enfin, si le malheur voulait
! que l'une et l'aulre de ces deux propositions fussent
j rejetées, de déposer sur le bureau de l'Assemblée une
: demande en autorisation de poursuites devant le tri-
j bunal compétent, contre S. Exc. M. le ministre de
1 l'intérieur qui, responsable des abus de pouvoir de ses
agents, a lésé noire éditeur dans ses intérêts, en tant
que négociant.

Pardonnez-nous, Monsieur le Député, d'oser vous
déranger dans vos préoccupations politiques pour une
question d'aussi mince importance; mais, comme vous
l'avez dit vous même dans l'un de vos remarquables
discours :

« C'est par la petite presse qu'on commence... »

En attendant, nous serions heureux de voir voire es-
timable journal, la République française, nous prêter
l'appui efficace de son importante publicité.

Veuillez, Monsieur le Député, recevoir avec nos re-
mereîrrenls, l'assurance de notre considération la plus
distinguée.

LE GRELOT.

Théâtre des Champs-Elysées

L'ÉGALITÉ CIVILE SOUS LA MONARCHIE

[L'auttur, vivement préoccup a par les bruits
d'une prochaine restauration monarchique, s'é-
tait couché tout rêveur. A peine ses paupières
avaient-elles été touchées par les doigts de Mor-
phée... {Dame!...) qu'il se trouva transporté aux
Champs-Elysées. — Non pas aux Champs-Ely-
sées où Guignol dvMie des séances aux bonnes
d'enfants et aux militaires, mais aux vrais Champs-
Elysées, à ceux ou Lucien plaça ses dialogues des
morts, et où Rabelais fait écorcher des chevaux
morts à Alexandre le Grand et ravauder des chaus-
settes a la belle Cléopâlre. Arrivé sur les bords du
Styx, il se trouva, à vrai dire, un peu dépaysé,
mais il ne tarda pas à distinguer, sous un chêne,
un long et noir individu qui respirait an bouquet
de roses fanées. Il alla à lui afin d'obtrmr quel-
ques renseignements sur l'endroit oh il se trou-
vait.)

Moi.— Monsieur, voudriez-vou.-. me dire où
je suis.

L'homme au bouqbet. —Pai faileii.cn L Aux
enfers.

Moi.— Aux enfers! le diable m'emporte!

L'homme au bouquet. — Ne parle/, pas si
haut : cela pourrait venir.

Moi. —Après ma mort, soit... mais de mon
vivant!...

L'bomme au bouquet. —De votre vivant!...
Vous vivez donc encore?...

Moi. — Certainement.

L'homme au bouquet. —Et d'où venez-vous
donc alors ?

Mai. — De Paris, mon bon monsieur.

L'homme au bouquet. — De Paris !... ah! ah !
le gaillard que vous faites!... It paraît qu'on
va vous rendre un roi dans votre pays!

Moi. — Hélas!

L'homme au bouquet. — Comment,,hélas!...

C'est-à-dire que vous ne devriez pas vous sen-
tir de joie... Ah! l'heureux temps! l'heureux
temps que celui où nous avions des rois!
Moi. — Vraiment?

L'homme au bouquet.— Rien de plus véri-
table au monde!... A peine le roi và-t-il
être installé sur le trône que vous rever-
rez fleurir les lettres et les arts, prospérer
le commerce et l'industrie, et la religion et la
propriété aller comme sur des roulettes...
Dites-moi donc, quel est l'architecte chargé
de reconstruire la Bastille?...

Moi. —J'ignore son nom jusqu'à présent...

L'homme au bouquet. — Cela m'intéresse
fort... C'est dommage que vous ne puissiez pas
me renseigner là-dessus... Vous n'ignorez pas,
monsieur, qu'une Bastille est en effet indispen-
sable à urie bonne justice dans un royaume.

Moi. — Ma foi, je n'en sais rien... Mais en
quoi !a reconstruction de la Bastille peut-elle
vous intéresser?...

L'homme au bouquet, — Je m'appelle Lui-
hardemoiit ..

Moi. — Ah ! c'est vous qui êtes ce scélérat...

Laubardemont.— Ah! monsieur, épargnez
nia modestie!...

Moi.— C'est vous qui avez fait brûler, pour
plaireà Richelieu, Urbain Grandier, que vous
saviez innocent...

Laubardemont. — Il était mal en cour...
(Montrant les roses fanées qu'il tient à la main :)
Voici le dernier bouquet qu'il jeta aux ursu-
lines de Loudun.

Moi. — Monstre!

laubardemont. — Ne m'injuriez pas, plai-
gnez-moi plutôt; j'expie cruellement ici les fau-
tes de ma vie passée...

Moi. — Comment cela?

laubardemont. — Dès que minuit sonne,

mon supplice commence. En quelque lieu des
enfers que je me trouve, tout l'appareil d'un
tribunal sort de terre; je suis réinstallé dans
mes fonctions de juge, et je prononce, pour
mon propre compie, tous les jugements que
les magistrats-valets dj l'ancienne monarchie
rendirent contre les innocents traduits devant
eux.

En effet, en ce marnent, comme minuit sonnait,
nous nous trouvâmes transportés, Laubardemont
et moi, dans une grande salle d'audience décorée
dons le goût du dix-septièm°, siècle. Une salle de
torture d'un côté ; une chapelle de l'autre. L'es-
pace laissé au tribunal, très-grand ; le prétoire
très-petit. Laubardemont, d'un air grave, alla
s'assoir à sa place de président, et les huissiers
commencèrent d'amener les accusés.

Le greffier. — Affaire Calas.

Laubardemont. — Vous êies accusé d'avoir
pendu voire fils... Je sais qu'il n'en est rien...
Mais vous êtes protestant, n'est-ce (/as !...

Calas. — Je l'avoue.

Laubardemont. — C'est bien !... qu'on le
roue !

Le greffier. — Affaire Sainl-Vallier.

Laubardemont.— Vous êtes accusé de cons-
piration contre l'Etat... Il n'en est rien, c'est
vrai. . Mais vous avez une jolie fille : Diane de
Poitiers saura bien obtenir la grâce de son père
du bon roi François 1er... A mort, le sieur de
Saint-Vallier qui a une jolie fille I

Le greffier.—La veuve Molière contre son
curé.

Laubardemont. — Vous réclamez contre ce
curé qui ne veut pas enterrer votre mari?...
Pourquoi votre coquin d'époux osa-t-il écrire
Tartufe!... Le curé a raison : aux frais, la
veuve Molière !

Le greffier. — Un père de famille contre

Lebel.

Laubardemont.—Comment ! vous osez vous
plaindre que votre fille ait élé enlevée pour le
Parc-aux-Cerfs ! mais n'est-ce pas un honneur
pour une petite bourgeoise comme elle, de
servir aux passions du Roi !... allez, allez à la
Bastille, ingrat !

Le greffier. — Le grand Veneur contre un
paysan.

Laubardemont. — Vous avez osez tuer un
lièvre qui venait manger vos choux, et vous
êtes connu pour dire du mal du gibier de vos
très-hauts et très-puissants seigneurs... Qu'on
pende ce rustre !

Le greffier. — Le bureau de police contre
Helvétius.

Laubardemont. — Ah! ce coquin de philo-
sophe qui se mêle d'écrire !... Que son livre
soit brûlé au pied du grand Châteleten entier,
et que l'auteur aille un exil avec sa clique,
avec les Voltaire, les Rousseau et autres misé-
rables !

Le greffier. — Le juif Zacharie...

Laubardemont. — Un juif! un juif ici!"....
Qu'on commence par lui arracher une quin-
zaine de dents afin de le disposer à dire la
vérité...

J'en étais là de mon rêve, quand je me réveillais
en sursaut, mais après en avoir assez entendu
pour n'avoir guère envie de voir s'opérer à la
façon monarchique la réforme judiciaire que
nous attendons depuis si longtemps.

ÉGO.

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