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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 3.1873

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(Supplément au numéro 136)

SOMMAIRE. — La Chemise de feu, par Horace Cher-
pin. — La Voyante, par Xavier de Montépin. —-
Malhilde, par Paulin Capmal. — La Fiancée d'É-
ric, par Emmanuel Gonzalès.

VII

L'ENLEVEMENT

(Suite.)

11 frappa alors de nouveau avec sa baguette le
cornet du milieu, — et, le relevant ensuite, il (it voir
le verre, auquel il ne manquait pas une goutte d'eau,
— à sa place primitive.

Ii replaça le cornet du milieu, et frappa le cornet de
droite.

Après quoi, il le leva.

Le verre avait passé sous le cornet de droite.

Il toucha ensuite le cornet de gauche, — le souleva
comme il avait fait pour les cornets précédents, — et
montra pour la troisième fois le verre plein d'eau.

11 le recouvrit de nouveau, — et, soulevant par un
geste rapide les trois cornets, il fit voir que sous tous
les trois le verre venait également de disparaître.

Les applaudissements redoublèrent.

— Ce n'est point tout, dit Ladorec.

11 montra la bouteille vide au public, lit voir qu'elle
ne contenait absolument plus rien, et la boucha.

_Sous quel cornet voulez-vous que le verre re-
vienne?... dit-il.

— A droite! dit quelqu'un.
Il souleva le cornet de droite.
Le verre y était.

Il trempa un" doigt dans l'eau pour faire voir que le
verre était toujours plein, et le recouvrit comme il
avait fait précédemment.

_Où mettrons-nous la bouteille? demanda-t-il en-
core.

— A gauche! cria-t on.

Il plaça la petite bouteille bouchée sous le cornet
de gauche.

Puis enlevant le cornet du milieu devenu inutile à
ses opérations :

— Tenez, dit-il, vous allez voir ce que peut la ba-
guette magique.

Et il toucha les deux cornets restés sur la table.

La foule haletait.

Ladorec releva les deux cornets.

•Sous celui de droite était le verre de cristal dans le-
quel il n'y avait plus une seule goutte d'eau.

Sous celui (le gauche se trouvait la bouteille pleine
d'eau et toujours parfaitement bouchée.

Ce fut un tonnerre de bravos. - ■

_Ahl ah! s'écria alors Neveu... L'avez vous vue?

Ladorec leva brusquement les yeux sur les fenêtres
du premier étage du pavillon qui s'étaient ouvertes,
et où se tenait accoudée cette gracieuse blonde aux
yeux noirs que le jeune baron de Shoënberg appelait
de ce doux nom de fleur : Marguerite.

— Ça y est!... hurla à mi-voix Ladorec à Neveu.
C'est bien elle... nous la tenons.

— Oui, dit Neveu, les soupçons de l'Enquille
avaient raison, mais ne nous trahissons pas, — encore
quelques tours de cartes, tandis que je vais faire la j
manche. -

Ladorec prit alors quelques jeux de caries et com-
mença à envoyer tantôt les cartons en l'air à une hau-
teur considérable, tantôt à leur l'aire décrire des demi-
cercles avec une adresse merveilleuse.

Cependant Neveu avait repris la parole.

— Vous voyez, mesdames et messieurs que je ne
vous ai point raconté de mensonges... Et encore n'a-
vez-vous vu que les simples bagatelles auxquelles l'il-
lustre docteur tiibustotonos de Scringapnlam se livre
pour se distraire, — et pour le bien des sujets de Sa
Majesté l'empereur de tous les Brésils... Ne croyez
pas, mesdames et messieurs, que nous demanderions
jamais d'argent pour nous-mêmes, — la dignité de
notre caractère s'y oppose, —ce que nous en faisons,
c'est pour les Brésiliens... En effet, mesdames et
messieurs, la misère est si grande dans ce pays-là,
que les sujets de Sa Majesté l'empereur de tous les
lirésils sont souvent obligés de manger leurs enfants
à la croque-au-sel pour leur conserver un père... Si
donc, mesdames et "messieurs, vous êtes contents et
satisfaits du spectacle que vous venez de voir, vous
m'achèterez pour deux sous la bonne aventure qui dit
le passé, le présent et l'avenir d'un chacun... Deux
sous, deux sous, mesdames et messieurs, en faveur
des malheureux Brésiliens!...

Et Neveu faisait le tour de la société, un paquet de
petits papiers bleus et roses à la main.

Quand il'oul fini sa ronde, et qu'il eut ramassé les
quelques pièces de monnaie que Marguerite lui avait
jetées par la fenêtre du pavillon, ii aida Ladorec àre-
incllie les instruments dans la boîte à malice, replia
le tapis et jeta le tambour sur son dos.

Les deux amis allaient reprendre le chemin du ca-
baret du Marmouset quand Ladorec, qui venait de
ramasser sa boîte, aperçut derrière la tête de Mar-
guerite Desehamps, — qui n'était autre que Gabrielle,
nous le savons maintenant, — les deux grands yeux
perçants comme des yeux de vautour que la vieille
Li-beth tenait fixés sur lui.

(1) Tonte reproduction est interdite.

— Hum! grommela-t-il.., Voilà une singulière
vieille!

Neveu se retourna machinalement et vit à son tour
Lisbelh.

— Ce n'est rien, dit-il... c'est la gouvernante.
Et il ajouta :

— En route! nous n'avons pas de temps à perdre...
Dans un moment, le jour sera tombé.

En effet, le soleil commençait à disparaître à l'ho-
rizon.

Ladorec et Neveu retournèrent rapidement au Mar-
mouset, — et, deux heures après, ils étaient de nou-
veau au numéro 7 de la rue de la Calandre, où ils
racontèrent à l'Enquille le succès de leur expé-
dition.

Quand ils curent dit au vieux brocanteur ce que
nous venons de leur voir faire:

— Maintenant, mes enfants, leur dit le père l'En-
quille, tout n'est pas fini, — au contraire, tout com-
mence. Donc, du calme, — et de la régularité dans
le mouvement. Il faut que nous combinions nos peti-
tes affaires de façon à ne pas nous mettre dedans.

— Voilà qui s'appelle parler, dit Neveu.

— Silence, jeune homme'... fit l'Enquille en
riant, — et d'abord, j'ai quelque chose à vous pro-
poser.

— Parle, dit Ladorec.

— Je suis d'avis, — et le père l'Enquille posa ju-
dicieusement le bout de son index sur son nez, — je
suis d'avis qu'avant toute chose nous nous débarras-
sions de Lapineau, afin de n'être pas gêné dans les
entournures...

— Bien dit. Mais comment?

— Mon Dieu! d'une façon bien simple...

— Voyons?

— A quel jeu Lapineau joue-t-il en ce moment?

— Ma foi, je n'en sais rien.

— Aux petits paquets... Il se dit qu'il peut certai-
nement gagner beaucoup si, effectivement, l'affaire
qu'il nous a proposée est bonne, — mais qu'il se peut
très bien aussi qu'elle ne vaille rien, parce qu'il ne
faut pas toujours se fier aux apparences...

— Où veux-tu en venir? dit Ladorec.

— Vous ne devinez pas?... Eh bien! je m'en
vais lui dire tout à l'heure ce qu'on dit quand on
joue au Commerce : « Combien me vends-tu tes
cartes ? » et comme il aura fait les réflexions que je
viens de vous dire, il est probable que je lui achè-
terai sa part de l'affaire, — car je sais qu'il a un
pressant besoin d'argent.

— C'est une bonne idée, — et tu sais, tu peux y
mettre le prix... v

— Ne crains rien... je ferai les choses comme pour
moi... mais, attention ;jremontez chez vous, dit le père
l'Enquille qui, depuis un moment ne faisait qu'aller et
venir dans sa boutique tout en surveillant le mouve-
ment de la rue..., je vois mon homme qui arrive.

Ladorec et Neveu s'esquivèrent rapidement par la
porte de l'arrière-boutique qui donnait sur l'allée, —
et ils remontèrent chez Johanna.

Il était temps. Lapineau venait d'entrer dans le ma-
gasin du père l'Enquille.

C'était un petit homme nerveux et sec dont la phy-
sionomie accusait d'une façon indélébile l'origine
israélitc.

Il était vêtu, ce soir-là, d'un pauvre paletot de ra-
tine râpé et coiffé d'un chapeau de feutre rond qu'il
avait avec soin rabattu sur ses yeux pour pénétrer au
coeur de la rue de la Calandre.

Huit heures venaient de sonner aux horloges do la
Cité.

— Entrez, lui dit l'Enquille, — je vous attendais.

— L'affaire marche-t-elle?... demanda Lapineau
sans répondre aux politesses de l'Enquille.

Le vieux brocanteur jeta à Lapineau un regard
Cauteleux par-dessous la visière de la casquette qu'il
por tait toujours dans sa boutique.

— Eh bien?... dit de nouveau Lapineau en manière
d'interrogation, quand il fut assis dans la seconde
pièce du logement de l'agent d'affaires des voleurs.

— Ça marche... et ça ne marche pas... dit l'En-
quille.

— Qu'est-ce qu'il y a donc?

— Il y a que Ladorec a voulu se renseigner lui-
même sur l'affaire...

— Et ça ne lui convient pas?

— Je ne dis pas ça... Il a besoin de travailler, cet
homme! attendu qu'il n'a pas rapporté le Pérou d'où
il vient, — mais...

— Mais, quoi?...

— Mais il prétend que la maison n'a pas l'air, à
beaucoup près, aussi cossue que tu l'as dit, et que tu
l'es probablement fait des illusions...

— C'est possible... Ce serait ennuyeux, — mais
c'est possible...

Lapinean parut réfléchir.

L'Enquille l'observait sous sa casquette, — silen-
cieusement.

— Diable !... fit Lapineau au bout d'un moment.

— Oh ! dit l'Enquille, il fera sans doute l'affaire
tout de même.

— Oui, mais...

— Qu'est-ce que tu veux, on ne réussit pas à lout
coup...

— C'est que ça tombe mal, justement.

— Pourquoi donc?... Est-ce que tu as besoin de
cette affaire?

Lapineau esquissa un léger sourire.
L'Enquille gardail son air indifférent.

— Ma foi, dit le premier, j'avoue que j'avais quel-
que espérance de ce côté-là...

— Voyons, dit l'autre, avoue que tu es en
panne!...

— C'est vrai, je ne veux pas faire de façons avec
toi.

— Pourquoi ne pas le dire, garçon?... Il y a assez
longtemps que nous faisons le commerce ensemble
pour que nous nous obligions, si l'occasion s'en pré-
sente... Combien veux-tu de ta part de l'affaire?...

Le père l'Enquille comprit bien vite que, tout lin

qu'il était, il venait de commencer ce qu'on appelle
vulgairement une boulette.

En effet, Lapineau, peu habitué à ces procédés de
sa part, releva lentement la tête et le regarda fixe-
ment.

— Voire!... dit-il narquoisement, notre maîtreI...
L'affaire n'est peut-être pas aussi véreuse qu'il vous
plaît à dire?...

L'Enquille se mordit les lèvres et vit bien qu'il
n'arriverait à son but qu'en simulant une profonde
indifférence.

— Tu es bien libre d'en croire ce que tu voudras,
garçon!... dit-il. Je croyais l'obliger, — lu te défies...
restons-en là, et n'en parlons plus...

Lt se levant :

— C'est tout ce que j'avais à te dire... Maintenant
tu peux te retirer... je vais fermer ma boutique, car
je n'attends plus personne ce soir.

Ce fut autour de Lajiineau d'être pris.

— Voyons, dit-il, ne nous fâchons pas... Qu'est-ce
que vous me donneriez pour ma part !...

— Non, dit l'Enquille, n'en parlons plus... tu
crois que je veux te mettre dedans, — mettons que
je n'ai rien dit.

— C'est que, voyez-vous, père l'Enquille, on ne
vous voit pas souvent la main à la poche, et que ça
m'a tout interloqué...

— Je connais mon monde, dit l'Enquille, et je sais à
qui j'ai affaire...

— Eh bien, dit Lapineau, donnez-moi deux mille
francs pour mon stuc (part de vol), et je vous tiens
quille, y eût-il cent mille francs rien qu'en durailles
(diamants).

— Jour de Dieu!... Jésus, Mariai... s'écria l'En-
quille en joignant les mains... Deux mille francs,gar-
çon!... tu veux donc m'écorcher vif!...

— Mettons dix-huit cents?

— Aïe, aïe, aïe !

— Quinze cents?

— Voyons, voyons...

— Douze cents, — mais c'est mon dernier mot 1

— Arabe!

Et l'Enquille faisait des contorsions désespérées.

— Oui ou non?... dit Lapineau.

— Mais, malheureux, répondit l'Enquille... qui est-
ce eiui te dit que les bijoux ne sont pas en plaqué et
les diamants en verre de vitre?...

— Oui ou non?... répéta Lapineau impassible.

— Huit cents?...

— Non, douze cents.

Et, se levant à son tour, Lapineau ajouta :

— Pas un sou de moins.

— Ah ! soupira l'Enquille, que les temps devien-
nent durs pour les pauvres négociants!...

Il alluma une méchante chandelle de résine et dit à
Lapineau :

— Reste là une minute, — je vais chercher ton ar-
gent...

11 monta l'escalier et redescendit au bout de deux
ou trois minutes.

— Tiens, dit-il à Lapineau, dont la physionomie
venait de passer, pendant la courte absence de l'En-
quille , par une série d'expressions qui eussent fort
réjoui Lavater.

Lapineau prit le petit sac que lui tendait l'Enquille,
compta avec soin les pièces d'or qui s'y trouvaient, et
faisant au brocanteur un petit signe de tête :

— Bonsoir, dit-il. A une autre fois, vieux!...

— Bonsoir, dit l'Enquille, — bonsoir!

Et il ferma aussitôt sa boutique pour aller rejoindre
Ladorec et Neveu chez Johanna.

Il s'entretint avec eux encore deux heures environ.

Puis il sortit et s'enfonça dans le réseau de petites
rues qui composait la Cité.

Il y avait environ une demi-heure qu'il était parti
quand une voiture sans lanternes s'arrêta devant l'al-
lée du numéro 7 de la rue de la Calandre.

Sur le siège était campé un vieux cocher long et
maigre, à perruque poudrée à frimas, qui siffla deux
coups en mettant ses doigts dans sa bouche.

Une tête apparut à une fenêtre du second étage.

Puis la fenêtre se referma.

Quelques secondes après, la porte de l'allée s'ouvrit
et donna passage à Neveu et à Ladorec, tous les deux
enveloppés dans des manteaux couleur de rouille.

— Tu n'a pas été long, vieux, dit Ladorec.
L'Enquille, — car c'était lui, — répondit simple-
ment :

— Onze plombes, vingt broquillcs (onze heures
vingt minutes)... Du leste!

Ladorec et Neveu sautèrent dans la voilure, qui
s'ébranla aussitôt.

Ils avaient déjà enfilé plusieurs petites rues quand,
sous un réverbère, l'Enquille aperçut deux individus
qui se préparaient à arrêter ses chevaux.

Il fit faire halte à ses bêles, — et attendit.

Les deux hommes vinrent à lui.

— Où vas-tu, trimbalcur (cocher)?... dirent-ils.

— A la foire d'empogne (commettre un vol),—ré-
pondit l'Enquille.

L'un des deux hommes, qui étaient des malfaiteurs
en train d'arracher du chiendent (à, la recherche
d'une victime), continua :

— Ircs tu l'arçon (as-tu le signal)?...

— Gy (oui), — répondit encore l'Enquille.

Et, — après avoir imité le bruit d'un crachement,
— il dessina un C sur sa joue droite, près du menton,
avec le pouce de sa main droite.

— Tout decé (très-bien), — reprit le voleur.

Et se rangeant contre le mur, ainsi que son cama-
rade, — il laissa jiasser la voiture, qui portait des
« confrères. »

L'Enquille fouetta alors ses chevaux, et on avança
rapidement.

Il était à peu près minuit quand ils arrivèrent près
du pavillon.

Les trois femmes devaienl[êtredéjà couchées,—caria
seule lumière qu'on aperçût du dehors était celle d'une
veilleuse qui brûlait dans une chambre du premier
étage, — celle de Gabrielle apparemment.

La nuit était sombre.

Un silence de mort pesait sur ce quartier soli-
taire.

L'Enquille fit avancer la voiture derrière le pavil-
lon, — et ses deux complices en descendirent.

Le jardin qui flanquait à l'arrière la petite maison
de Gabrielle était enclos par un mur peu élevé.

En un instant, Ladorec et Neveu l'eurent franchi.

L'Enquille, pendant ce temps, restait aux écoutes
sur son siège,— prêt à leur porter secours s'il en était
besoin.

Ladorec et Neveu se glissèrent silencieusement à
travers le jardin jusqu'aux fenêtres de la cuisine.

Couper le verre d'une des vitres avec un diamant,
et faire jouer l'escarpolette de la fenêtre,—ce fut pour
l'ancien forçat l'affaire d'une seconde.

Ils bondirent dans la maison, et,—selon le plan ar-
rêté entre eux rue de la Calandre, — ils cherchèrent
aussitôt la chambre de Gabrielle,— décidés à recourir
aux dernières violences dans le cas où les femmes du
service essaieraient d'intervenir.

Ils étaient montés sans bruit au premier étage;
ayant eu la précaution de chausser des souliers à se-
melles de feutre, lorsque , au bout d'un corridor où
ils s'étaient engagés, ils aperçurent un jet de lumière
très-faible qui filtrait sous une porte.

Ladorec s'avança doucement jusqu'à cette porte, et
fit tourner, avec le moins de bruit possible, la clé qui
se trouvait dans la serrure.

Gabrielle était couchée depuis une heure à peu
près,—et elle commçait à s'endormir.

Mais les vagues inquiétudes qui l'avaient troublée
les jours précédents ne s'étaient pas encore tout à fait
dissipées.

Aussi,— quelque précaution qa'y eût mises Lado-
rec,—le bruit que fit la clef en tournant la réveilla,

Et,—au moment où son ancien amant pénétrait dans
l'appartement,—elle ouvrit les yeux.

Alors, une apparition terrible la frappa.

Deux hommes, dont le visage était caché par un
masque de velours noir, étaient debout sur le seuil
de sa chambre.

Ils s'avancèrent vers elle.

Saisie d'une inexprimable horreur, elle resta un
moment immobile,—comme pétrifiée.

Mais, revenant promptement à elle, elle se rejeta
au fond de l'alcôve, et, tirant de toutes ses forces le
cordon de la sonnette, elle poussa désespérément le
cri de :

— Au secours!... au secours !

Horace CHERPIN.

[La suite au prochain numéro.)

LA VOYANTE

PREMIÈRE PARTIE
III

— Prends garde, chère Rlanche, prends
garde, — dit vivement Jean Vaubaron, — lu
vas réveiller ta mère...

— Je ne dors plus, mon ami, - fit une voix
très-douce et très-faible qui partait du lit.

Lajeune malade venait en effet de se ré-
veiller et elle attachait sur son enfant et sur
son mari un regard chargé d'attendrissement
et, d'amour.

Jean Vaubaron courut à elle et appuya ses
lèvres sur son front pâle.

— Tu vas mieux, n'est-ce pas? — lui dc-
manda-t-il d'une voix que sa profonde émo-
tion rendait tremblante.

— Non-seuleir.ent je vais mieux, — répon-
dit la mourante, dont un sourire charmant
illumina les lèvres décolorées, mais il me sem-
ble que je vais bien tout à fait... — J'ai dormi
d'un calme sommeil qui m'a reposée et rani-
mée...— Je me sens si forte et si vaillante
que je veux essayer de me lever... — Je suis
sûre que je marcherai sans peine...

— Ne crains-tu pas de le fatiguer?...

— Je te dis que ma force est revenue...—
D'ailleurs, tu vas en juger... — Songe donc...
voici déjà longtemps que je suis malade... —
Il faut bien que la convalescence arrive à la
fin, car ma patience est à bout... — Si tu
savais comme ça me tourmente de te voir
chargé seul de tous ces petits soins du ména-
ge qui ne regardent pas les hommes...! — Tu
as tant d'autres choses à faire, bien plus
sérieuses, bien plus utiles... — Ah! j'ai sou-
vent maudit le médecin qui me guérissait trop
lentement.:.

— Le médecin faisait de son mieux, ma
bien-aimée Marthe...

— Je n'en doute point... — C'est un homme
rempli de science et de bonté, mais il ne com-
prenait pas, il ne pouvait pas comprendre
combien j'ai besoin de ma santé pour toi et
pour notre enfant... — Les femmes riches
peuvent se soigner pendant des mois entiers,
rien ne souffre autour d'elles; mais, dans un
pauvre ménage comme le nôtre, il faut chasser
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