LA VIE DE L'ÉGYPTE AUX CINQUIÈME ET SIXIÈME SIÈCLES
tion de ses mœurs. Jadis, vers la 6n du second siècie, saint Clément critiquait âpre-
ment îe goût des femmes d'Alexandrie pour les toilettes aux couîeurs éclatantes,
pour îes tissus de soie et d'or qu'elîes aimaient à porter, pour les îongues traînes
qui, dit le moraîiste chrétien, K alanguissent la démarche et sembîent balayer îe soî R,
pour îes jupes courtes qui découvrent îe genou, à la mode des jeunes hlîes de Sparte,
pour les chaussures dont îa semeîîe portait imprimées des devises d'amour, (( de teîîe
sorte que îa marche exprime des pensées de courtisane. )) Iî blâmait non moins vigou-
reusement îe soin qu'elîes prenaient de ieur coiifure, l'usage des cheveux teints —
îe blond était îa couîeur à îa mode — ou des faux cheveux, ies édihces compîiqués
dont les femmes se chargeaient la tête, et qu'eiles craignaient si fort de déranger
qu'eîîes osaient à peine faire un mouvement et hésitaient à dormir, par peur d'abîmer
îeurs beiîes boucies ; et ii condamnait sévèrement îe coiffeur qui réussissait (( ces
frisures de courtisanes )), <( i'artiste en corruption )) que toutes les dames adoraient.
Natureüement on se faisait le visage, on se fardait les joues, on souîignait de noir
ie dessous des yeux, on se couvrait d'huiies de senteur, de cosmétiques, de parfums.
Le luxe des bijoux, des étoffes aux broderies somptueuses, n'était pas moins grand.
Tout ceîa, qui était vrai au troisième siècle, i'était sans doute encore dans la société
byzantine du cinquième et du sixième. On îe voit par les beaux tissus de laine, de
iin ou de soie, aux vives couleurs, à la décoration si variée et si riche, qui ont été
retrouvés en ces dernières années dans ies nécropoles d'Achmim, i'ancienne Pano-
pohs, et dans ceiles d'Antinoé. L'ornement tissé dans l'étoffe ou richement brodé
y mêie ies motifs heüénistiques et orientaux ; îes scènes mythoiogiques, îes sujets de
genre, les épisodes de chasse et de pêche y alternent avec les compositions emprun-
tées à la vie du cirque, avec les caricatures, avec ies sujets reîigieux même tirés de
ia Bibîe ou de i'Evangiîe. Et si i'on considère que ces étoffes proviennent de vilîes
de province, on imagîne aisément combien étaient pius grands encore le iuxe et
l'élégance des toilettes portées à Aîexandrie. La beauté des bijoux, datant du
sixième siècie, qui ont été découverts en Êgypte en ces dernières années, n'est pas
moins instructive. Ce sont des coiiiers d'or à piusieurs rangs qu'ornent des mon-
naies impériales, des bracelets, des bagues, des pendants d'oreiiies. Et îes hgures
de femmes, somptueusement parées et coihees magnihquement, qu'on rencontre
dans les peintures de Baouït au sixième siècle, ou qui apparaissent sur telle toiie
peinte d'Antinoé, attestent amplement qu'aîors encore saint Clément aurait pu
redire ce qu'ii disait jadis des dames d'Alexandrie. Et tout permet de croire que,
dans ia capitaie chrétienne, les courtisanes n'étaient ni rnoins nombreuses, ni moins
beiies, ni moins céîèbres que dans la viüe païenne d'autrefois.
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tion de ses mœurs. Jadis, vers la 6n du second siècie, saint Clément critiquait âpre-
ment îe goût des femmes d'Alexandrie pour les toilettes aux couîeurs éclatantes,
pour îes tissus de soie et d'or qu'elîes aimaient à porter, pour les îongues traînes
qui, dit le moraîiste chrétien, K alanguissent la démarche et sembîent balayer îe soî R,
pour îes jupes courtes qui découvrent îe genou, à la mode des jeunes hlîes de Sparte,
pour les chaussures dont îa semeîîe portait imprimées des devises d'amour, (( de teîîe
sorte que îa marche exprime des pensées de courtisane. )) Iî blâmait non moins vigou-
reusement îe soin qu'elîes prenaient de ieur coiifure, l'usage des cheveux teints —
îe blond était îa couîeur à îa mode — ou des faux cheveux, ies édihces compîiqués
dont les femmes se chargeaient la tête, et qu'eiles craignaient si fort de déranger
qu'eîîes osaient à peine faire un mouvement et hésitaient à dormir, par peur d'abîmer
îeurs beiîes boucies ; et ii condamnait sévèrement îe coiffeur qui réussissait (( ces
frisures de courtisanes )), <( i'artiste en corruption )) que toutes les dames adoraient.
Natureüement on se faisait le visage, on se fardait les joues, on souîignait de noir
ie dessous des yeux, on se couvrait d'huiies de senteur, de cosmétiques, de parfums.
Le luxe des bijoux, des étoffes aux broderies somptueuses, n'était pas moins grand.
Tout ceîa, qui était vrai au troisième siècle, i'était sans doute encore dans la société
byzantine du cinquième et du sixième. On îe voit par les beaux tissus de laine, de
iin ou de soie, aux vives couleurs, à la décoration si variée et si riche, qui ont été
retrouvés en ces dernières années dans ies nécropoles d'Achmim, i'ancienne Pano-
pohs, et dans ceiles d'Antinoé. L'ornement tissé dans l'étoffe ou richement brodé
y mêie ies motifs heüénistiques et orientaux ; îes scènes mythoiogiques, îes sujets de
genre, les épisodes de chasse et de pêche y alternent avec les compositions emprun-
tées à la vie du cirque, avec les caricatures, avec ies sujets reîigieux même tirés de
ia Bibîe ou de i'Evangiîe. Et si i'on considère que ces étoffes proviennent de vilîes
de province, on imagîne aisément combien étaient pius grands encore le iuxe et
l'élégance des toilettes portées à Aîexandrie. La beauté des bijoux, datant du
sixième siècie, qui ont été découverts en Êgypte en ces dernières années, n'est pas
moins instructive. Ce sont des coiiiers d'or à piusieurs rangs qu'ornent des mon-
naies impériales, des bracelets, des bagues, des pendants d'oreiiies. Et îes hgures
de femmes, somptueusement parées et coihees magnihquement, qu'on rencontre
dans les peintures de Baouït au sixième siècle, ou qui apparaissent sur telle toiie
peinte d'Antinoé, attestent amplement qu'aîors encore saint Clément aurait pu
redire ce qu'ii disait jadis des dames d'Alexandrie. Et tout permet de croire que,
dans ia capitaie chrétienne, les courtisanes n'étaient ni rnoins nombreuses, ni moins
beiies, ni moins céîèbres que dans la viüe païenne d'autrefois.
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