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Huizinga, Johan; Hanotaux, Gabriel; Bastin, J. [Transl.]
Le déclin du Moyen Âge — Paris: Payot, 1932

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https://doi.org/10.11588/diglit.57074#0075
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LA CONCEPTION HIÉRARCHIQUE DE LA SOCIÉTÉ 71
voit les événements de son époque à travers l’illusion de sa
conception aristocratique.
L’incompréhension de l’importance de la bourgeoisie pro-
vient de ce fait que le type sous lequel on se représentait le
tiers-état n’avait encore nullement été corrigé ni remis au
point. Ce type était aussi simple et succinct qu’une minia-
ture de calendrier ou un bas-relief représentant les travaux
de l’année : le laboureur harassé de travail, l’artisan habile
ou l’actif marchand. La figure du puissant patricien supplan-
tant le gentilhomme ne trouvait parmi ces types lapi-
daires pas plus de place que celle du représentant militant
d’une guilde et son idéal de liberté. Dans le concept du tiers-
état, les bourgeois et les ouvriers n’étaient pas séparés,
et il en fut de même jusqu’à la révolution française. L’image
du pauvre paysan alterne avec celle du bourgeois opulent (1)
et oisif, mais ce tiers-état ne reçoit aucune définition en
accord avec sa vraie fonction économique et politique. En
1412, un programme de réforme émanant d’un moine augus-
tin demande sérieusement que toute personne non-noble
en France se consacre à un métier ou au labour, sous peine
d’être chassée du pays (2).
Ainsi il devient compréhensible qu’un homme comme Chas-
tellain, susceptible d’illusions éthiques et naïf en matières
politiques, attribue les plus hautes qualités à la noblesse et
les vertus inférieures et serviles au tiers-état. « Pour venir
au tiers membre qui fait le royaume entier, c’est l’estât des
bonnes villes, des marchans et des gens de labeur, desquels
il ne convient de faire si longue exposition que des autres,
pour cause que de soy il n’est gaires capable de hautes attri-
butions, parce qu’il est au degré servile. » Ses vertus sont le
zèle et l’humilité, l’obéissance au roi et la docilité à faire le
bon plaisir des seigneurs (3).
Peut-être cette étrange conception, en empêchant d’entre-
voir un avenir de liberté et de puissance bourgeoises, a-t-elle
(1) Froissart, éd. Kervyn, XIII, p. 22 ; Jean Germain, Liber de virtutibus
ducis Burg., p. 108 ; Molinet, I, p. 83 ; III, p. 100.
(2) Monstrelet, II, p. 241.
(3) Chastellain, VII, pp. 13-16.
 
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